Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/185

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homme ne réussirait pas dans la cause que Dumtoustie avait abandonnée.

Mais lord Bladderskate fut charmé, en dépit de lui-même, par le ton judicieux et modeste avec lequel Alan s’adressa à la cour pour s’excuser de sa présomption, alléguant pour motif l’indisposition soudaine de son docte confrère, à qui la tâche de plaider une affaire si difficile et si importante avait été beaucoup plus dignement confiée. Il parla de lui-même, comme il était réellement, et du jeune Dumtoustie comme il aurait dû être, se gardant bien d’appuyer sur ces deux sujets un instant de plus qu’il n’était nécessaire. Les regards du vieux juge devinrent bienveillants ; son orgueil de famille était satisfait ; adouci par la modestie et la civilité du jeune homme qu’il avait regardé d’abord comme vaniteux et malhonnête, l’expression de dédain qui animait sa physionomie s’effaça et fit place à une attention profonde : or, c’est le compliment le plus flatteur et le plus grand encouragement qu’un juge puisse présenter à l’avocat qui lui adresse la parole.

Après avoir réussi à s’assurer l’attention favorable de la cour, le jeune légiste profitant des lumières que l’expérience et la longue habitude de son père lui avaient communiquées, se mit, avec une adresse et une clarté qu’on ne pouvait attendre d’un avocat de son âge, à écarter de la cause elle-même les innombrables formalités de procédure dont elle avait été surchargée, de même qu’un chirurgien enlève les appareils qui ont été misa la hâte sur une blessure, pour procéder à la guérison secundum artem. Débarrassée d’un grand nombre de termes techniques, aussi bien que des formes judiciaires et embrouillées, dont l’obstination du client, la précipitation inconsidérée ou l’ignorance des procureurs et l’astuce d’un subtil adversaire l’avaient enveloppée, la cause du pauvre Pierre Peebles, à ne considérer simplement que les faits, n’était pas un mauvais sujet de déclamation pour un débutant, et notre ami Alan ne manqua point de tirer bon parti de tous les avantages qu’elle présentait.

Il désignait son client comme un homme simple de cœur, honnête et rempli de bonnes intentions, qui, durant une société de douze ans, était graduellement devenu de plus en plus pauvre, tandis que son associé, autrefois son commis, n’apportant de fonds que les soins qu’il donnait à une maison de commerce, où il avait été reçu sans aucune mise de capitaux, s’était peu à peu enrichi.