Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/225

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Me voilà désappointé. Lorsque Dorcas, la jeune fille à qui j’avais résolu de confier ce message, m’entendit parler de porter une lettre, elle m’offrit de grand cœur ses services, et, avec un sourire qui me montra toute la rangée de ses blanches dents, elle accepta la couronne que je lui donnai, — car ma bourse ne s’est pas envolée avec les valeurs plus considérables de mon porte-feuille.

Mais lorsque, dans l’intention d’obtenir quelques renseignements sur le lieu où j’étais détenu, je lui demandai à la poste de quelle ville elle mettrait ou ferait mettre la lettre, un « que me voulez-vous ? » me montra qu’elle ignorait l’usage d’une poste aux lettres, ou que pour le moment elle voulait paraître l’ignorer. «  Sotte ! » dis-je avec un peu d’aigreur.

« Seigneur mon Dieu ! » répliqua la jeune fille en pâlissant, ce qu’ils font toujours quand je témoigne quelques signes de mécontentement ; « monsieur, ne vous mettez pas en colère, — je mettrai la lettre à la poste.

— Comment ! si vous ne connaissez pas le nom de la ville où est la poste ? » repartis-je avec autant d’impatience. « Par quel moyen voulez-vous y parvenir ?

— Là, mon bon maître, là ! Quel besoin avez-vous d’épouvanter une pauvre fille qui ne sait rien, hormis ce qu’elle a appris à l’école de charité de Saint-Bees ?

— Saint Bees est-il éloigné d’ici, Dorcas ? Est-ce là que vous envoyez vos lettres ? » repris-je d’une manière insinuante, mais d’un air aussi indifférent que possible, néanmoins.

« Saint-Bees ! — Là ! qui pourrait, sans être fou… — Excusez-moi, Votre Honneur ! — Il faut vous le dire, il y a vingt ans mon père demeurait à Saint-Bees qui est à vingt, à quarante, à je ne sais combien de milles de cet endroit, vers l’est, — dans le Northumberland : et je n’aurais jamais quitté Saint-Bees, mais mon père…

— Ah ! le diable emporte votre père ! m’écriai-je.

— Voyons ! quoique Votre Honneur soit un peu… je ne sais comment dire, il ne faut pas envoyer au diable les pères des autres ; et quant à moi, je ne le souffrirai jamais.

— Oh ! je vous demande mille pardons, — je ne souhaite aucun mal à votre père en ce monde, ni dans l’autre ; — c’était sans doute un très-honnête homme à sa manière.