Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/242

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vous êtes donc près de moi, et je sais dans quelle bonne intention. Vous avez tout abandonné pour voler à mon secours ; et il n’est pas étonnant que, connaissant votre amitié et votre dévouement, votre rare sagacité et votre habile persévérance, la pensée, « reine de l’esprit, siège maintenant si légère sur son trône » ; que cette gaieté descende presque malgré moi au bout de ma plume, et que mon cœur batte comme celui d’un général lorsqu’il entend approcher les tambours d’un allié sans le secours duquel la bataille aurait été perdue.

Je me gardai bien cependant de laisser apercevoir ma joie ; mais je continuai de donner la plus sévère attention à ce qui se passait dans cette singulière réunion. Le pauvre Pierre Peebles avait lui-même déclaré que s’il avait entrepris cette espèce de chasse, c’était d’après l’avis de ses jeunes conseillers du palais de justice ; mais il parlait avec beaucoup de confiance ; et le juge de paix semblait avoir quelque secrète appréhension de l’embarras qu’allait lui causer cette affaire : en outre, il semblait redouter l’habileté supérieure que, sur la frontière anglaise, les hommes du Nord déploient si souvent aux dépens de la simplicité de leurs voisins. Il se tourna vers son greffier d’un air tout décontenancé.

« Eh ! — oh ! — Nick, — le diable t’emporte, — ne trouves-tu rien à dire ? Il s’agit ici des lois écossaises, je crois, puisque ces gens sont Écossais. » Là, il regarda de travers le maître de la maison, et cligna de l’œil en regardant son greffier. — Je voudrais que la Solway fût aussi profonde qu’elle est large, nous aurions alors quelque chance de les voir moins souvent. »

Nicolas conversa un instant à voix basse avec le requérant, puis se penchant vers le juge : « Cet homme voudrait une défense de passer la frontière, je crois. Mais on ne délivre de pareils mandats que contre les débiteurs, — et il en demande un pour rattraper un avocat.

— Et pourquoi non ? » répondit Pierre Peebles d’un air mécontent ; « pourquoi non ? je serais bien aise de le savoir. Si un journalier refuse de travailler, vous délivrerez un mandat pour le contraindre à faire son ouvrage ; si une servante veut quitter son maître au milieu de la moisson, vous la renverrez par mandat à ses gerbes ; si un pauvre diable travaillant aux mines de charbon ou de sel va se promener au clair de la lune, vous le rattraperez par l’épaule en une minute de temps, — et pourtant le dommage