Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/258

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efforts par lesquels, dans des circonstances aussi désavantageuses que celles où se trouvait son fils, il avait obtenu la délivrance de l’Écosse. »

« L’usurpateur Édouard Baliol était en fêtes avec quelques-uns de ses favoris dans le château d’Annan, lorsqu’il fut surpris à l’improviste par une bande choisie d’insurgés patriotes. Leurs chefs étaient Douglas, Randolph, le jeune comte de Moray et sir Simon Fraser. Leur succès fut si complet, que Baliol fut obligé de chercher son salut dans la fuite, à peine habillé, et sur un cheval qu’on n’avait pas eu le temps de seller. Il était important de s’emparer de sa personne, s’il était possible ; et il fut poursuivi de près par un vaillant chevalier d’origine normande, dont la famille était établie depuis long-temps sur ces frontières. Le nom normand de cette famille était Fitz-Aldin ; mais ce chevalier, à cause du grand carnage qu’il fit des hommes du Sud, et de la répugnance qu’il avait montrée à leur faire quartier pendant les premières guerres de cette sanglante époque, avait acquis le nom de Redgauntlet[1], qu’il transmit à sa postérité…

— Redgauntlet ! » m’écriai-je involontairement.

« Oui, Redgauntlet, » reprit mon prétendu tuteur en me regardant avec des yeux fixes ; « ce nom réveille-t-il quelques souvenirs à votre esprit ?

— Non, répondis-je, sauf que récemment je l’ai entendu donner au héros d’une légende surnaturelle.

— Il en court beaucoup sur le compte de la famille, » répliqua-t-il ; puis il continua sa narration.

« Albérick Redgauntlet, le premier de sa maison ainsi nommé, était d’un caractère farouche et implacable, qui avait été rendu pire encore par des disputes de famille. Un fils unique, alors âgé de dix-huit ans, avait tellement l’esprit hautain de son père, qu’il ne voulut jamais supporter aucune espèce de contrainte domestique, résista ouvertement à l’autorité paternelle, et finalement quitta le toit de ses aïeux : alors il abjura ses opinions politiques, et s’attira une haine éternelle en se joignant aux partisans de Baliol. On dit que le père, dans sa fureur, maudit son enfant dégénéré, et jura de le tuer de sa propre main, si jamais il le rencontrait. Cependant le sort semblait lui promettre un dédommagement : l’épouse d’Albérick Redgauntlet se trouva, après bien

  1. Red signifie rouge, et gauntlet, gantelet ; ainsi Redgauntlet revient à gantelet rouge ou gantelet sanglant. a. m.