Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/264

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que moi, aussi bien que vous, j’agis d’après des impulsions qui sont ou le résultat de ma propre volonté libre, ou les conséquences du rôle qui m’est assigné par le destin. Ces impulsions peuvent être, — et même sont, quant à présent, — en contradiction directe avec celles qui vous dirigent. Or, comment déciderons-nous auxquelles il faut donner la préférence ? — Vous, peut-être vous sentez-vous destiné à me servir de geôlier ; moi, je me sens au contraire poussé par le destin à tenter et à effectuer mon évasion. Un de nous deux doit avoir tort, mais qui peut dire lequel de nous est dans l’erreur, jusqu’à ce que l’événement ait décidé entre nous deux ?

— Je me sentirai alors destiné à recourir aux moyens de contrainte les plus sévères, » répliqua-t-il du ton moitié plaisant, moitié sérieux que j’avais pris moi-même.

« En ce cas, répondis-je, ma destinée sera de tout tenter pour reconquérir ma liberté.

— Et la mienne, jeune homme, » répliqua-t-il d’une voix forte et sévère, « pourra être de veiller à ce que vous mouriez plutôt que de réussir à exécuter votre projet. »

C’était parler avec franchise vraiment, et je ne laissai point passer une pareille phrase sans réponse : « Vous me menacez en vain, dis je ; les lois de mon pays me protégeront, ou me vengeront du moins, si elles ne peuvent me protéger. »

Je parlai ainsi d’un ton ferme, et il parut un instant réduit au silence. Le dédain avec lequel il me répondit enfin avait même quelque chose d’affecté.

« Les lois ! dit-il ; et que connaissez-vous, jeune insensé, aux lois de votre pays ? — Avez-vous pu apprendre la jurisprudence sous un ignoble barbouilleur de parchemin tel que Saunders Fairford, ou avec ce fat ignare et pédant, son fils, qui maintenant, Dieu me pardonne ! se donne le titre d’avocat ? — Quand l’Écosse était indépendante, quand elle avait un roi et une législature à elle, de si chétifs plébéiens, au lieu d’être à la barre des cours suprêmes pour y plaider, auraient à peine été admis à l’honneur de porter un sac de procédure. »

C’en était trop, Alan : je ne pus supporter une telle insolence, et je répliquai avec indignation qu’il ne connaissait ni les talents ni l’honneur des gens qu’il déchirait ainsi.

« Je connais ces Fairford aussi bien que je vous connais vous-même, répliqua-t-il.