Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/269

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singulier et moi ! Ses vues personnelles me sont jusqu’à un certain point connues : il a embrassé une cause politique vieillie et perdue à jamais, et il prétend, d’après quelques liens supposés de tutelle ou de parenté, qu’il ne daigne pas expliquer clairement, mais qu’il semble être parvenu à faire passer pour monnaie courante aux yeux du stupide juge de paix de campagne et de son vénal greffier, il prétend au droit de diriger mes actions. Le danger qui m’attendait en Angleterre, et que j’eusse évité si j’étais resté en Écosse, était sans doute de me soumettre à l’autorité de cet homme. Le malheur que ma pauvre mère redoutait pour moi encore enfant, — et dont mon ami l’Anglais Griffiths cherchait à me prémunir pendant ma jeunesse et ma minorité, — ce malheur a maintenant fondu sur moi, à ce qu’il semble. Sous un prétexte légal, je suis retenu d’une manière qui doit être très-illégale, et par une personne encore dont la conduite lui a fait perdre tous ses droits civils. N’importe, j’y suis bien résolu ; ni persuasion ni menaces ne me forceront à prendre part aux projets désespérés que cet homme médite. Suis-je un individu d’aussi peu d’importance que ma vie paraissait jusqu’à présent l’annoncer, ou bien, comme le donnerait à croire la conduite de mon adversaire, ma naissance et ma fortune sont-elles assez importantes pour qu’on désire faire mon acquisition, et m’attacher à une faction politique ? Je l’ignore ; mais, dans l’un et l’autre de ces cas, ma résolution est bien prise. Les personnes qui liront ce journal, si elles le lisent avec des yeux impartiaux, pourront me juger sans crainte d’erreur, et si je leur semble fou quand elles me voient courir au-devant du danger, elles n’auront aucun motif de me croire lâche et prêt à tourner casaque, maintenant que je me suis engagé au milieu des périls. Élevé dans des sentiments d’attachement pour la famille qui occupe le trône, je veux vivre et mourir dans ces sentiments. J’ai aussi l’idée que M. Herries a déjà reconnu en moi un métal moins malléable qu’il ne l’avait d’abord cru. Il y avait des lettres de mon cher Alan Fairford, peignant sous des traits grotesques mon instabilité de caractère, dans le même portefeuille qui, selon l’aveu de mon prétendu tuteur, tomba sous les yeux de son domestique pendant la nuit que je passai à Brokenburn : et en effet, je me rappelle à présent que mes habits mouillés, avec tout ce que contenaient mes poches, furent, avec l’étourderie d’un jeune voyageur, confiés trop témérairement aux soins d’un domestique étranger. Et mon res-