Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/272

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qui éveillait en moi l’espérance que, si je pouvais parvenir à correspondre avec le pauvre musicien, il serait en état de m’aider à sortir de ma situation présente.

Sa profession me donnait à penser que cette communication désirée n’était pas impossible ; car il est bien connu qu’en Écosse, où il y a tant de musique nationale dont les paroles et les airs sont également populaires, il existe parmi les hommes qui jouent d’un instrument une espèce de franc-maçonnerie, grâce à laquelle ils peuvent, par le simple choix de l’air, donner beaucoup à comprendre aux personnes qui écoutent. Des allusions personnelles fort piquantes sont souvent faites de cette manière ; et rien n’est plus ordinaire, dans les repas publics, que d’entendre accompagner un toast par un air propre à exprimer un compliment, une plaisanterie, et parfois une satire.

Pendant que ces réflexions traversaient rapidement mon esprit, j’entendis en bas mon ami recommencer, pour la troisième fois, l’air auquel il avait probablement emprunté son propre nom, lorsqu’il fut interrompu pas ses auditeurs rustiques.

« Si vous ne pouvez pas nous jouer d’autre air que celui-là, vous feriez mieux de rengainer votre instrument et de décamper. Vienne le squire, ou Cristal Nixon, et nous verrons qui paiera la musique.

— Oh ! oh ! pensai-je. Si je n’ai pas à craindre d’oreilles plus fines que celles de mes amis Jean et Dorcas, je puis tenter une épreuve ; et je chantai deux ou trois vers du psaume 137e comme très-propre à exprimer mon état de captivité : —


Près des fleuves de Babylone,
Nous nous sommes assis et nous avons pleuré.


Les paysans écoutèrent avec attention, et quand j’eus fini, je les entendis se dire les uns aux autres, à voix basse, avec l’accent de la commisération : « Mon Dieu ! le pauvre garçon ! un si beau jeune homme avoir perdu la raison !

— En ce cas, » dit Willie le voyageur, assez haut pour que ses paroles arrivassent à mon oreille, « je ne connais rien de meilleur qu’un air de violon pour lui rendre ce qu’il a perdu. » Et il joua avec force et chaleur le joli air écossais, adapté aux paroles suivantes qui se présentèrent aussitôt à mon souvenir : —