Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/284

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çonné d’avoir agi, par force ouverte et violence, contre la personne d’un fidèle sujet, contre un jeune homme qui ne manque ni d’amis ni de ressources pour se faire rendre justice. »

Le prévôt regarda le jeune avocat avec une figure où semblaient se peindre à la fois la méfiance, la crainte et le mécontentement. « Fâcheuse affaire ! dit-il enfin, fâcheuse affaire ! et il serait peut-être dangereux d’y intervenir. Je n’aimerais pas voir le fils de votre père jouer le rôle de délateur contre un infortuné.

— Aussi mon intention n’est-elle pas de jouer un pareil rôle, répondit Alan, pourvu que cet infortuné, comme vous dites, ou ses amis, me fournissent une occasion facile de pourvoir à la sûreté de mon propre client. Si je pouvais parler à M. Redgauntlet, et lui entendre expliquer les motifs de sa conduite, je serais probablement satisfait. Mais si je suis forcé de le dénoncer au gouvernement, ce sera pour délit de soustraction de personne. Je ne pourrai empêcher, et ce n’est pas d’ailleurs mon affaire, qu’il ne soit reconnu en sa qualité de proscrit excepté du pardon général.

— Maître Fairford, voudriez-vous donc causer, sur un vain soupçon, la ruine d’un innocent ?

— N’en parions plus, M. Crosbie ; mon plan de conduite est arrêté, — à moins qu’on ne prouve que ce soupçon est faux.

— Eh bien, monsieur, puisqu’il en est ainsi, puisque vous dites ne vouloir aucun mal à Redgauntlet personnellement, j’inviterai à dîner aujourd’hui avec nous un homme qui connaît ses affaires mieux que personne. Vous devez bien penser, M. Alan Fairford, que tout proche parent de ma femme que soit Redgauntlet, et quelque bien que je lui souhaite, pourtant je suis dans une position qui ne permet pas d’être toujours au fait de ses allées et de ses venues. Je ne suis pas homme à cela, — je tiens à l’église réformée, et j’abhorre le papisme ; — je me suis déclaré hautement pour la maison de Hanovre, pour la liberté et le droit de propriété. — J’ai porté les armes, monsieur, contre le Prétendant, lorsque trois chariots à bagages appartenant aux montagnards ont été arrêtés à Ecclefechan ; et j’ai surtout éprouvé une perte de cent livres…

— D’Écosse. Vous oubliez que vous m’avez déjà dit tout cela.

— D’Écosse ou d’Angleterre[1], la perte n’en était pas moins

  1. La livre d’Écosse équivaut à un franc vingt-cinq centimes, et la livre d’Angleterre, pound, ou livre sterling, à vingt-cinq francs. a. m.