Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/306

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car jamais, avec votre ton et vos manières, on ne serait capable de tourmenter un malheureux.

— Bien au contraire, monsieur, dit Fairford, je désire donner aux amis de M. Redgauntlet l’occasion de le tirer d’embarras, en effectuant la délivrance immédiate de Darsie Latimer. Je le jure, si mon ami n’a pas souffert de plus grand mal physique qu’une courte détention, je laisserai la chose passer tranquillement sans faire aucune enquête ; mais si l’homme qui a commis une grande et récente infraction aux lois déjà menaçantes à son égard, veut obtenir un résultat aussi désirable, il faut que la faute soit réparée dans le plus bref délai possible. »

Maxwell sembla perdu dans ses réflexions, et échangea avec son hôte le prévôt un ou deux regards qui n’étaient guère de contentement ni de félicitation. Fairford se leva et fit quelques tours dans la chambre, pour leur permettre de causer ensemble ; car il espérait que l’impression qu’il avait évidemment faite sur M. Summertrees amènerait à la fin quelque chose de favorable à son projet. Ils saisirent l’occasion et se mirent à causer à voix basse, parlant tous deux avec chaleur, et le laird prenant un ton de reproche, tandis que le prévôt répondait d’un air embarrassé pour en venir à sa justification. Quelques phrases interrompues de leur entretien arrivèrent aux oreilles de Fairford, dont ils semblaient oublier la présence, et qui se tenait à l’autre bout de la chambre : là, il était occupé en apparence à examiner les figures d’un superbe écran indien, présent fait au prévôt par son frère, capitaine d’un vaisseau au service de la compagnie des Indes. Les mots qu’il entendait de temps à autre lui firent comprendre que sa mission et l’opiniâtreté avec laquelle il la poursuivait occasionnaient une altercation entre les deux interlocuteurs.

Maxwell laissa enfin échapper cette fin de phrase : « … lui donner une belle et salutaire frayeur, et le renvoyer chez lui avec la queue échaudée, comme un chien qui est venu marauder sur le domaine d’autrui. »

Le dissentiment du prévôt s’énonçait en termes formels ; — « Il n’y faut pas penser ! — c’est rendre le mal pire encore ! — ma place ! — mes services ! — vous ne pouvez concevoir combien il est entêté : — absolument comme son père. »

Ils se mirent alors à causer à voix encore plus basse, et enfin le prévôt relevant sa tête, qu’il avait tenue baissée sur sa poitrine, s’écria d’un ton enjoué : « Allons, asseyez-vous, M. Fair-