Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/31

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pouvoir hasarder une observation pour sonder l’eau. « Je ne vois pas, dis-je, comment les lois écossaises seraient utiles à un jeune gentleman dont la fortune paraît être en Angleterre. » Je crus réellement que mon père allait me battre.

« Avez-vous l’intention de me surprendre per ambages[1], monsieur, comme dit le conseiller Pest ? Que vous importe en quelle contrée soit la fortune de Darsie Latimer, et qu’il ait de la fortune ou non ? D’ailleurs, quel mal lui feraient les lois écossaises, quand il les connaîtrait aussi bien que Stair ou Bonkton, monsieur ? Le fondement de notre droit municipal n’est-il pas l’ancien code de l’empire romain, rédigé à cette époque où cet empire jouissait d’une si grande renommée de politique et de sagesse, monsieur ? Allez vous mettre au lit, monsieur, après votre expédition à Noble-House, et tâchez que votre lampe soit allumée et votre livre ouvert devant vous avant que le soleil se lève, Ars longa, vita brevis[2], si ce n’est pas un péché d’appeler la divine science des lois du nom indigne d’art. »

Ma lampe fut donc allumée de grand matin, cher Darsie ; mais je restai tranquillement au lit, au risque de recevoir une visite domiciliaire, espérant que la lumière serait considérée, sans autre enquête, comme une preuve suffisante de ma vigilance. Et aujourd’hui que nous sommes au troisième matin depuis votre départ, les choses ne vont guère mieux. La lampe brûle dans mon antre, et l’œuvre de Voet sur les Pandectes tient les trésors de la sagesse étalés devant moi ; cependant, vu que je m’en sers seulement en guise de pupitre pour écrire cette suite de niaiseries à Darsie Latimer, il est probable que l’usage que j’en fais ne m’avancera guère dans mes études.

Et maintenant, il me semble que je vous entends m’appeler un hypocrite, qui, vivant sous le système de défiance et de contrainte que mon père a trouvé bon de choisir, prétend néanmoins n’envier ni votre liberté ni votre indépendance.

Latimer, je ne vous ferai point de mensonges. Je souhaiterais que mon père me laissât exercer un peu plus mon libre arbitre, ne fût-ce que pour avoir la jouissance de faire de mon plein gré ce qui lui plairait. Un peu plus de temps et d’argent à ma disposition ne messiéraient pas non plus à mon âge ni à mon rang dans le monde ; et j’avoue qu’il est irritant de voir tant de jeunes gens

  1. Par détours. a. m.
  2. L’étude est longue et la vie courte. a. m.