Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/315

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question, et ni l’un ni l’autre ne témoigna aucune suprise du départ si soudain de leur hôte.

Après avoir bu sa tasse de thé, Alan Fairford prit congé de la compagnie avec le cérémonial d’usage. Le laird de Summertrees sembla jaloux d’empêcher toute communication ultérieure entre lui et le prévôt, et resta à se promener sur le palier de l’escalier pendant qu’ils se faisaient leurs adieux. Il entendit le prévôt demander à Alan s’il comptait revenir bientôt, et Alan répliquer qu’il ignorait combien il resterait de temps en route ; — il observa aussi la poignée de main, accompagnée d’un : « Dieu vous bénisse et vous protège ! » que le prévôt prononça avec plus de chaleur qu’à l’ordinaire en quittant son jeune ami. Maxwell accompagna Fairford jusqu’à l’auberge du Roi-Georges, quoique résistant à toutes les tentatives que faisait l’avocat pour obtenir de nouveaux renseignements sur Redgauntlet, et le renvoyant à Tom Trumbull, autrement dit Turnpenny, pour les détails qu’il pourrait juger nécessaire de connaître.

Enfin le bidet d’Alan fut amené : animal à long cou, à os saillants, accoutré de deux valises contenant la garde-robe de voyage du cavalier. Montant avec fierté en avant de son petit bagage, et nullement honteux d’une manière de voyager qu’un M. Silvertongue[1] moderne regarderait comme la dernière des dégradations, Alan Fairford prit congé du vieux jacobite, Tête-en-Péril, et se mit en route vers le bourg royal d’Annan. Ses réflexions chemin faisant ne furent pas des plus agréables. Il ne pouvait se déguiser à lui-même qu’il se jetait un peu trop témérairement au pouvoir de gens mis hors la loi et aigris par le désespoir ; car c’était seulement avec de pareils individus qu’un homme, dans la situation de Redgauntlet, pouvait faire société. Il y avait encore d’autres sujets de crainte. Certains signes d’intelligence entre mistress Crosbie et le laird de Summertrees n’avaient pas échappé à la perspicacité d’Alan, et certes les dispositions du prévôt à son égard, qu’il croyait bonnes et sincères, ne pouvaient être assez fermes pour combattre l’influence de cette ligue formée entre sa femme et son ami. Les adieux du prévôt, comme l’amen de Macbeth[2], lui étaient restés au gosier, et semblaient vouloir dire

  1. Langue d’argent, un avocat. a. m.
  2. Lors de l’assassinat de Duncan, Macbeth entendant l’un des serviteurs endormis dire God bless us, Dieu nous bénisse ! essaie inutilement de répondre Amen. Voyez le Macbeth de Shakspeare. a. m.