Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/386

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Il attendait donc avec impatience la personne à qui était destiné le palefroi portant une selle de femme. Mais, avant qu’aucune belle voyageuse vînt l’occuper, il fut invité lui-même à prendre place sur le petit coussin derrière Cristal Nixon : son ancienne connaissance, Jean, lui faisait la grimace tout en l’aidant à monter, et la jolie Dorcas, ne se cachant nullement pour rire, montrait en riant une rangée de dents qui auraient pu rivaliser de blancheur avec l’ivoire.

Latimer était d’un âge où l’on se résigne difficilement à devenir la risée générale, même parmi des paysans et des laitières, et il aurait volontiers caressé de son fouet les épaules de Jean. C’était néanmoins une consolation à laquelle il ne fallait pas songer pour le moment. Mais Cristal Nixon ne tarda point à le tirer de cette position désagréable, en donnant ordre aux cavaliers de se mettre en marche. L’homme de confiance se plaça lui-même au centre de la troupe. Deux hommes marchaient en avant, et deux autres, qui venaient par derrière, avaient toujours, à ce que croyait Latimer, l’œil fixé sur lui pour l’empêcher de s’enfuir. Il pouvait de temps à autre voir, lorsque la route était droite ou qu’une montée la dominait, qu’un autre groupe de trois ou quatre cavaliers les suivait à un quart de mille de distance, et dans ce groupe il distinguait sans peine la haute taille de Redgauntlet et la démarche fière de son magnifique cheval noir. Il doutait peu que la Mante-Verte ne fût du nombre, quoique rien ne la lui fît reconnaître.

Ils voyagèrent ainsi environ depuis six heures du matin jusqu’à dix, sans que Darsie trouvât l’occasion de dire un seul mot ; car l’idée seule de rentrer en conversation avec Cristal Nixon lui répugnait, Nixon contre lequel il semblait avoir une haine instinctive : d’ailleurs le caractère taciturne et sombre du domestique n’annonçait pas qu’il accueillerait des avances, quand même on aurait songé à le faire.

Enfin, les voyageurs s’arrêtèrent pour se rafraîchir eux et leurs chevaux ; mais comme ils avaient jusqu’alors évité tous les villages et toutes les habitations qui se trouvaient sur la route, ils s’arrêtèrent alors auprès d’une de ces vastes granges en ruine, à la mode hollandaise, qu’on trouve parfois au milieu des champs, loin des fermes dont elles dépendent. Quelques préparatifs avaient néanmoins été faits dans ce lieu misérable pour les y recevoir. Il y avait, à une extrémité de la grange, des râteliers, où les che-