Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/401

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi bien que celui de Darsie, — un des traits principaux du caractère de mon oncle, c’est qu’il a toujours employé l’énergie d’une âme puissante au service de la famille exilée des Stuarts. La mort de son frère et la dilapidation de sa propre fortune n’ont fait qu’ajouter à son zèle héréditaire pour cette maison une haine profonde et presque personnelle contre la famille qui règne aujourd’hui. C’est, en un mot, un enthousiaste politique du genre le plus dangereux, et il marche à l’accomplissement de ses projets avec autant de confiance que s’il se sentait l’Atlas capable à lui seul de soutenir une cause presque perdue.

— Où, et comment, ma chère Lilias, élevée sans doute sous ses auspices, avez-vous appris à considérer de pareils sujets sous un point de vue différent ?

— Par un hasard singulier, dans le couvent où mon oncle me plaça. Quoique l’abbesse fût une personne exactement suivant son cœur, mon éducation, comme pensionnaire, était confiée à une excellente vieille mère qui avait adopté les principes des jansénistes, avec une tendance encore plus prononcée peut-être vers les doctrines réformées que vers celles de Port-Royal. Le secret et le mystère avec lesquels ces principes m’étaient inculqués leur donnaient plus de charmes à mon jeune esprit ; et je les embrassai d’autant plus avidement, qu’ils étaient en opposition directe avec les doctrines de l’abbesse, et je haïssais tellement celle-ci pour sa sévérité, que je trouvais un plaisir enfantin à mettre sa vigilance en défaut, et à contredire dans le fond de mon âme tout ce que j’étais obligée en public d’écouter avec respect. La liberté des opinions religieuses amène, je pense, la liberté des croyances politiques ; car je n’eus pas plus tôt renoncé à l’infaillibilité du pape, que je commençai à mettre en doute la doctrine des droits héréditaires et imprescriptibles. Bref, quelque étrange que la chose puisse paraître, je sortis d’un couvent de Paris non pas tout à fait whig et protestante, mais avec autant d’inclination à le devenir que si j’avais été élevée comme vous à portée d’entendre le son presbytérien du carillon de Saint-Gilles[1].

— Davantage peut-être, car plus on est près de l’Église… mais ce proverbe est bien vieux. Et comment vos opinions libérales se

  1. La plus ancienne église d’Édimbourg, dans la grande rue de la vieille ville. Le clocher est très élevé et se termine en forme de couronne ; il y a dans ce clocher un carillon à clavier sur lequel, tous les jours, un homme payé par la ville exécute des morceaux de musique. a. m.