Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/434

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— Vraiment, » répliqua l’étranger, s’arrêtant un peu, et regardant l’individu qui lui faisait cette douce proposition, « ce n’est pas une mauvaise ouverture, comme on dit dans l’assemblée générale. J’ai entendu faire des motions qui ne valaient pas ce sage conseil. »

M. Geddes ordonna qu’on servît une chopine de petite bière à notre ami Pierre Peebles ; car le lecteur doit avoir déjà pensé que cette victime de Thémis était le voyageur en question.

Le malheureux plaideur n’eut pas plutôt aperçu le pot de bière qu’il le saisit avec la même énergie qu’il avait déployée en attaquant le pâté, — souffla l’écume de dessus avec tant de force, que plusieurs flocons allèrent tomber sur la tête de M. Geddes ; — puis, se rappelant tout à coup ce qu’il devait à la politesse, il dit : « À votre santé, l’ami ! — Quoi ! êtes-vous donc un si grand personnage que vous ne me fassiez point raison, ou avez-vous l’oreille dure ?

— Je t’engage à boire ta pinte, l’ami, répliqua le quaker ; ton intention est bonne, sans doute, mais nous faisons peu de cas de ces sottes coutumes.

— Quoi ! vous êtes donc quaker, hein ? » dit Pierre, et, sans plus de cérémonie, il porta le pot à sa bouche, et ne le replaça sur la table qu’après avoir bu jusqu’à la dernière goutte la liqueur d’orge : « Voilà qui nous fait un fameux bien à vous et à moi, » dit-il en poussant un profond soupir, et en mettant le pot sur la table ; « mais, en vérité, deux chopines de bière pour deux sont une bien petite mesure. Que dites-vous d’un autre pot ? ou bien demanderons-nous tout d’abord la grande pinte d’Écosse ? — On en perd moins en mesurant.

— Tu peux demander tout ce qui te fera plaisir, à ton compte, l’ami, répliqua Geddes ; quant à moi, j’ai contribué de bon cœur à étancher ta soif naturelle, mais j’ai peur qu’il ne soit pas aussi facile de satisfaire celle qui n’est que factice et artificielle.

— C’est-à-dire, pour parler plus simplement, que vous ne me cautionnez plus auprès du maître de la maison. Vous autres quakers, vous restez toujours à mi-chemin ; mais puisque vous m’avez fait boire une boisson si froide, — à moi qui n’y suis pas accoutumé avant midi, — je trouve que vous pourriez aussi bien m’offrir un verre d’eau-de-vie ou d’usquebaugh. — Je ne fais pas la petite bouche : — je bois tout ce qui est liquide et piquant.

— Pas une goutte à mes dépens, répliqua Geddes. Tu es un