Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/46

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l’agilité qu’ont acquise ces habitants des frontières par une pratique continuelle de l’art de l’équitation ; mais, comme je restais indécis, il étendit la main, et, saisissant la mienne, il me fit placer le pied sur le bout de sa botte, et m’éleva ainsi, en une seconde, jusqu’à la croupe de son cheval. Je m’y étais à peine placé, qu’il agita la bride de son coursier, qui partit aussitôt ; mais, peu charmé sans doute d’un fardeau inaccoutumé, il nous régala de deux ou trois cabrioles accompagnées d’autant de ruades des jambes de derrière. Le cavalier resta immobile comme une tour, quoique les soubresauts inattendus de l’animal me jetassent rudement sur lui. Le cheval fut bientôt forcé de se soumettre à la discipline de l’éperon et du frein ; il s’élança au grand galop, et eut en peu d’instants franchi les détours du chemin par lequel le cavalier nous conduisit vers le nord, pour éviter les terribles sables mouvants.

Mon ami, peut-être devrais-je l’appeler mon sauveur (car, pour un étranger, ma position était hérissée de périls), continuait toujours sa course rapide, mais dans un silence absolu ; et j’étais en proie à une trop vive anxiété d’esprit, pour l’importuner par aucune question. Enfin nous arrivâmes à un endroit de la côte qui m’était tout-à-fait inconnu, où je mis pied à terre, et commençai à lui présenter, du mieux que je pouvais, mes remercîments pour l’important service qu’il venait de me rendre.

L’étranger répliqua seulement par un « psttt ! » d’impatience ; il allait repartir et m’abandonner à mes propres ressources ; quand je le suppliai de mettre le comble à son extrême bienveillance en m’indiquant le chemin de Shepherd’s Bush, qui était, lui dis-je, l’endroit où je demeurais alors.

« Shepherd’s Bush ! dit-il ; ce n’est qu’à trois milles : mais, si vous ne connaissez pas mieux la terre que les sables, vous pouvez vous casser le cou avant d’y arriver ; car ce n’est pas une route bonne pour un jeune écervelé ; il y a des torrents et des marais à passer. »

Je fus un peu épouvanté à cette complication de difficultés contre lesquelles mes habitudes ne m’avaient point appris à lutter. Je pensai encore une fois au foyer de votre père ; et j’aurais été bien content d’échanger ma situation romanesque, et même la glorieuse indépendance dont je jouissais en ce moment, contre les douceurs du coin de votre cheminée, quand