Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/82

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juger d’après le caractère et les motifs, je penchais plutôt pour la première hypothèse. Je ne pus m’empêcher de rire lorsque le gamin passa près de moi, grimaçant moitié de peur moitié de plaisir, perché tout à fait sur le pommeau de la selle, et se retenant les bras étendus à la bride et à la crinière ; tandis que Salomon serrait le mors entre ses dents, et, la tête presque baissée entre les jambes de devant, il passa près de son maître dans cette attitude extraordinaire, en courant ventre à terre.

« Le malicieux coquin ! » s’écria le quaker, oubliant la modération habituelle de ses discours. — « Le vrai gibet de potence ! Très-certainement il rendra Salomon poussif. »

Je le suppliai de se consoler. — Je lui assurai qu’une demi-heure de galop ne ferait aucun mal à son favori, — et lui rappelai la censure qu’il m’avait adressée une minute avant pour avoir donné une dure épithète à l’enfant.

Mais Josué ne fut pas à court de réponse. « Mon jeune ami, dit-il, tu as parlé de l’âme de ce jeune polisson, que tu as affirmé appartenir à Satan, et c’est une chose dont tu ne peux rien dire à ta propre connaissance ; au contraire, moi, je n’ai parlé que de son corps qui sera assurément suspendu à une corde, à moins qu’il n’amende sa conduite. On dit que, petit comme il est, il fait déjà partie de la bande du laird.

— De la bande du laird ? » dis-je, en répétant ces mots avec surprise. — « Voulez-vous parler de la personne chez qui j’ai couché la nuit dernière ! — Je vous ai entendu l’appeler le laird. — Est-il à la tête d’une bande ?

— Bah ! je ne voulais pas dire précisément une bande, » répliqua le quaker qui parut en avoir dit par inadvertance plus qu’il n’en avait l’intention, « j’aurais dû dire de la compagnie ou de son parti : mais voilà ce qui arrive, ami Latimer, aux hommes les plus sensés, quand ils se laissent troubler par la passion ; ils parlent comme s’ils avaient le délire, comme avec la langue de l’imprudent et de l’insensé. Et quoique tu aies été prompt à remarquer ma faiblesse, je ne regrette pourtant pas que tu en aies été le témoin, attendu que les chutes du sage peuvent être aussi utiles à la jeunesse et à l’expérience que celles de l’insensé.

C’était une espèce d’aveu d’une chose que je commençais à soupçonner, savoir que mon nouvel ami, malgré la bonté réelle de son caractère, jointe au quiétisme religieux de sa secte, n’a-