Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/90

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coup de réserve et d’embarras, en se voyant condamnées à faire seules les honneurs de la maison à — je lâcherai le mot, Alan, à un jeune homme bien fait, à un étranger. Rachel quitta la chambre, et revint, quelques minutes après, avec un manteau, un chapeau très simple et des gants de castor, prête à me servir de guide avec autant de simplicité que s’il lui eût fallu seulement accompagner votre père. Je sortis donc avec ma jolie quakeresse.

Si la maison, à Mont-Sharon, n’est qu’une habitation ordinaire et commode, de moyenne grandeur et d’humble prétention, les jardins et les dépendances, quoique peu considérables, peuvent rivaliser avec ceux d’un comte sous le rapport de l’entretien et de la dépense. Rachel me conduisit d’abord dans son endroit favori, une basse-cour remplie d’une multitude de volailles domestiques, des espèces les plus rares aussi bien que les plus ordinaires. Un petit ruisseau, qui formait un bassin pour les oiseaux aquatiques, coulait sur un sable fin dans les parties de l’enclos destinées aux volailles de terre qui trouvaient ainsi abondamment les moyens de faciliter leur digestion.

Toutes ces créatures semblèrent s’apercevoir de la présence de leur maîtresse, et quelques favoris particuliers accoururent à ses pieds et continuèrent à la suivre aussi loin que leurs limites le permettaient. Elle m’expliqua leurs différences et leurs qualités, avec la précision d’une personne qui a étudié l’histoire naturelle ; et j’avoue que je n’avais jamais contemplé les oiseaux d’une basse-cour avec autant d’intérêt, — à moins qu’ils ne fussent bouillis ou rôtis. Je ne pus m’empêcher de lui adresser une question difficile : « Comment pouvait-elle ordonner le supplice de ces créatures dont elle paraissait si soigneuse ?

— C’est une chose pénible, répondit-elle, mais d’accord avec la loi de leur existence. Il faut qu’elles meurent ; mais elle ne savent pas quand l’heure de leur mort approche ; et, en satisfaisant tous leurs besoins pendant qu’elles vivent, nous contribuons à leur bonheur autant que les conditions de leur existence nous le permettent. »

Je ne partage pas tout à fait son opinion, Alan. Je ne pense pas que les porcs on les volailles admissent jamais que le but unique de leur existence est d’être tués et mangés. Pourtant, je ne rétorquai pas cet argument auquel ma quakeresse semblait fort désirer d’échapper ; car, me conduisant à la serre qui était étendue et remplie des plantes les plus rares, elle me montra une volière