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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/107

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l’heure qu’il est, les femmes suisses, en cas de danger, ont établi leur demeure dans le camp de leurs pères, de leurs frères, de leurs époux, et n’ont pas cherché d’autre sûreté que celle qu’elles pouvaient trouver dans le courage de leurs parents. Nous avons assez d’hommes pour protéger nos femmes. Ma nièce restera donc avec nous et partagera le sort que le ciel nous réserve. — Adieu donc ! mon digne ami, dit le magistrat de Bâle : je suis fâché de vous quitter ainsi, mais c’est uniquement le mauvais destin qui le veut. Cette avenue de gazon vous conduira à l’ancien rendez-vous de chasse, et puisse le ciel vous permettre d’y passer une nuit tranquille ! car, sans parler d’autres périls, on dit que ces ruines n’ont pas un bon renom. Encore une fois voulez-vous permettre à votre nièce, puisque telle est cette jeune personne, de venir pour cette nuit à Bâle, dans ma maison ? — Si nous sommes troublés par des êtres semblables à nous, répondit Arnold Biederman, nous avons des armes solides et de lourdes pertuisanes : si nous devons être visités, comme on pourrait l’induire de vos paroles, par des êtres d’une nature différente, nous avons ou nous devons avoir notre conscience et notre confiance en Dieu… Mes bons amis, mes chers collègues, ai-je exprimé vos sentiments aussi bien que les miens propres ? »

Les autres députés donnèrent leur assentiment à ce qu’avait dit leur compagnon, et les citoyens de Bâle prirent poliment congé de leurs hôtes, s’efforçant de suppléer par un excès de courtoisie au manque d’une hospitalité réelle. Après leur départ, Rudolphe fut le premier à exprimer son opinion sur leur pusillanime conduite. « Les chiens de lâches ! s’écria-t-il ; puisse le boucher de Bourgogne leur arracher jusqu’à la peau avec ses exactions, pour leur apprendre à désavouer de vieilles amitiés, plutôt que d’encourir le moindre accès de la colère d’un tyran ! — Et même encore d’un tyran qui n’est pas le leur ! » dit une autre personne du groupe, car plusieurs des jeunes gens s’étaient réunis autour de leurs anciens pour écouter l’invitation qu’ils s’attendaient à recevoir des magistrats de Bâle.

« Non, » répliqua Ernest, un des fils d’Arnold Biederman, « ils ne prétendent pas que l’empereur s’en soit mêlé ; mais un mot du duc de Bourgogne, qui ne devait pas être pour eux plus qu’une bouffée du vent de l’ouest, suffit pour les pousser à une inhospitalité si brutale. Il serait bien de marcher sur la ville et de les forcer, à la pointe de l’épée, à nous donner asile. »