Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/130

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peine éloigné de trente pas ; et, quoiqu’il l’examinât avec tout le soin minutieux que lui commandaient son incertitude et son anxiété, il était tourmenté intérieurement par l’idée qu’il serait plus sage de retourner vers ses compagnons, et de dire à Rudolphe que ses yeux l’avaient trompé.

Mais pendant qu’il était encore indécis s’il avancerait ou reculerait, l’objet qui s’était déjà montré se montra de nouveau près du buisson, et avança droit vers lui, portant, comme la première fois, le costume et la figure exacte d’Anne de Geierstein… Cette vision (car le lieu, l’heure et la soudaineté de l’apparition la faisaient ressembler plutôt à une illusion qu’à une réalité) frappa Arthur d’une surprise qui tenait beaucoup de la frayeur. La figure passa à quatre pieds de lui, sans qu’elle lui adressât la parole, sans qu’elle parût le moins du monde le reconnaître, et dirigeant sa course à droite de Rudolphe et des deux ou trois hommes qui étaient avec lui, elle se perdit de nouveau au milieu des broussailles et des inégalités du terrain.

Le jeune homme fut encore une fois réduit à une extrême perplexité ; et il ne fut tiré de la stupeur dans laquelle il était tombé, qu’en entendant retentir à son oreille la voix de Rudolphe qui lui disait : « Eh bien ! qu’est-ce à dire, roi Arthur ?… dormez-vous ? êtes-vous blessé ? — Ni l’un ni l’autre, » dit Philipson revenant à lui ; « je suis seulement fort étonné ! — Étonné ! et de quoi, très royal… ? — Trêve de plaisanteries, » répliqua Arthur d’un ton assez grave, « et répondez-moi en homme d’honneur… Ne vous a-t-elle pas rencontré ? ne l’avez-vous pas vue ? — Vue !… qui, vue ? Je n’ai vu personne, et je jurerais que vous n’avez vu personne non plus, car je vous ai toujours suivi des yeux depuis que vous êtes parti, excepté deux ou trois minutes ; si vous avez aperçu quelque chose, pourquoi n’avoir pas donné l’alarme ? — Parce que c’était seulement une femme, » répondit Arthur à voix basse.

« Seulement une femme ! » répéta Rudolphe d’un ton de mépris. « Sur ma parole ! roi Arthur, si je n’avais pas vu parfois de jolies étincelles de valeur jaillir de vous, je serais disposé à croire que vous n’avez vous-même qu’un courage de femme. Il est étrange qu’une ombre la nuit et un précipice en plein jour ébranlent cette hardiesse dont vous avez si souvent donné des preuves…

« Et je ne manquerai pas d’en donner encore lorsque l’occasion l’exigera, » interrompit l’Anglais recouvrant sa présence d’esprit ; « mais je vous jure que si je vous parais maintenant effrayé, ce