Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/142

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ches surhumaines par des puissances surnaturelles. Les prêtres mirent aussi tout en œuvre pour décrier des hommes qui peut-être n’avaient pas commis d’autre faute que celle d’être plus savants qu’eux.

« Voyez quels hôtes, disaient-ils, sont reçus dans les salons d’Arnheim ! Qu’un chevalier chrétien, estropié dans les guerres contre les Sarrasins, se présente sur le pont-levis, on lui donne par pitié une croûte et une coupe de vin, et on le prie de continuer sa route. Si un pèlerin, célèbre par la réputation de sainteté qu’il s’est acquise par de récentes visites aux plus saints autels, et par les reliques sacrées qui attestent et récompensent sa peine, approche de ces murailles profanes, la sentinelle bande son arc, et le portier ferme sa porte, comme si le digne personnage rapportait avec lui la peste de Palestine ! Mais vienne un Grec à barbe grise, à langue bien pendue, avec ses rouleaux de parchemin, dont les lettres seules sont offensantes pour des yeux chrétiens… vienne un rabbin juif avec son Talmud et sa cabale… vienne un Maure au teint basané et brûlé par le soleil, qui puisse se vanter d’avoir lu le langage des étoiles en Chaldée, berceau de la science astrologique… oh ! alors, l’imposteur vagabond, ou le sorcier ambulant, occupe la plus haute place à la table du baron d’Arnheim, partage avec lui les travaux de l’alambic ou du fourneau, est initié à ses connaissances mystiques, comme celles qui furent communiquées à nos premiers pères au détriment de leur race, et lui donne en retour des leçons plus terribles que celles qu’il reçoit jusqu’à ce que l’hôte profane ait ajouté à un amas de science impie toute celle que le visiteur païen peut lui communiquer. Et ces choses se passent en Allemagne, qu’on appelle le Saint-Empire Romain, dont tant de prêtres sont princes !… Elles s’y passent, et ni arrêts ni avertissements ne sont lancés contre une race de sorciers qui, d’âge en âge, triomphent par leur nécromancie !

« Ces déclamations qui étaient répétées depuis les abbayes des prélats mitrés jusqu’aux cellules des anachorètes, paraissaient néanmoins ne pas produire grand effet sur le conseil impérial. Mais elles servaient à exciter le zèle de maint baron, de maint comte libre de l’empire, qui avaient appris à regarder alors une guerre ou une querelle avec les barons d’Arnheim comme tenant de la nature, et donnant droit aux privilèges spirituels d’une croisade contre les ennemis de la foi, et à considérer une attaque contre ces potentats coupables comme un excellent moyen de régler