Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/199

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par laquelle ils étaient entrés disparut. Ce fait, néanmoins, ne le surprit pas beaucoup, car il pensa que, faite de manière à correspondre en apparence aux corps de bibliothèque qui entouraient l’issue par laquelle ils étaient arrivés, on ne devait pas la distinguer des autres lorsqu’elle était fermée, supercherie parfois alors employée, et qui même l’est encore souvent de nos jours. Il put alors voir complètement son libérateur, qui, à la clarté du jour, n’avait que le costume et les traits d’un ecclésiastique, sans rien conserver de cette horreur surnaturelle que la lumière douteuse et la triste apparence de tous ces objets dans le cachot avaient contribué à répandre sur sa personne.

Le jeune Anglais respirait alors en liberté, comme s’il se réveillait après un songe effrayant. Et les qualités surhumaines dont son imagination avait revêtu Anne de Geierstein commençant à s’évanouir, il s’adressa ainsi à son libérateur : « Pour que je puisse offrir mes remercîments, saint père, à la personne qui les a si particulièrement mérités, permettez-moi de vous demander si Anne de Geierstein… — Parle de ce qui regarde ta maison et ta famille, » répondit le prêtre aussi brièvement que la première fois. « As-tu sitôt oublié le danger de ton père ? — Par le ciel, non ! répliqua le jeune homme, dites-moi seulement ce qu’il s’agit de faire pour sa délivrance, et vous verrez comme un fils sait combattre pour mi père. — C’est bien, car c’est indispensable, repartit le prêtre : endosse ce vêtement, et suis-moi. »

Le vêtement présenté était une robe et un capuchon de novice.

« Abaisse ce capuchon sur ta figure, continua le prêtre, et ne réponds rien aux personnes que tu pourras rencontrer. Je dirai que tu exécutes un vœu… Puisse le ciel pardonner à l’indigne tyran qui nous impose la nécessité d’une si profane dissimulation ! Suis-moi vite, et de près… Songe à ne pas parler. »

L’affaire du déguisement fut bientôt terminée, et le prêtre de Saint-Paul, car c’était lui, se mit en marche ; Arthur le suivit à deux ou trois pas en arrière, prenant aussi bien qu’il pouvait la démarche modeste et l’extérieur humble d’un jeune novice. En sortant de la bibliothèque ou salle d’étude, il descendit un court escalier, et se trouva dans la rue de La Ferette, irrésistiblement tenté de tourner la tête. Il n’eut néanmoins que le temps de voir que la maison qu’il venait de quitter était un fort petit bâtiment d’architecture gothique, d’un côté duquel s’élevait l’église de Saint-Paul, et de l’autre la sombre porte noire de la ville, ou tour d’entrée.