Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poursuivaient le gibier au milieu des plus sauvages précipices et à travers les plus noires forêts de pins, ou conduisaient leurs troupeaux en des lieux qui leur présentaient de stériles pâturages, même dans le voisinage des neiges éternelles. Mais l’existence d’un pareil peuple, ou plutôt d’une réunion de petites communautés suivant presque le même genre de vie, pauvre et difficile, avait paru aux princes opulents et puissants des alentours une affaire de peu d’importance : ainsi de magnifiques troupeaux qui paissent dans une plaine fertile s’inquiètent peu qu’une bande de chèvres à demi mortes de faim prennent leur maigre nourriture sur les rochers qui bornent leur riche domaine.

Mais ces montagnards commencèrent à exciter l’étonnement et l’attention vers le milieu du quinzième siècle, lorsque courut le bruit de plusieurs engagements sérieux où la chevalerie allemande, s’efforçant de comprimer des insurrections parmi ses vassaux alpins, avait essuyé des défaites réitérées et sanglantes, quoiqu’elle eût de son côté le nombre, la discipline et l’avantage du plus parfait équipement militaire. Grande fut la surprise quand on sut que la chevalerie, qui formait la seule partie formidable des armées féodales, avait été mise en déroute par de simples fantassins, et que des guerriers revêtus des pieds à la tête d’une armure de fer pussent être vaincus par des hommes qui ne portaient aucune arme défensive, qui n’étaient même qu’irrégulièrement munis de piques, de hallebardes et de bâtons, pour attaquer l’ennemi ; surtout on regardait comme une espèce de miracle que des chevaliers et des nobles fussent battus par des paysans et des bergers. Toutefois les victoires successives des Suisses à Laufen, à Sempach, et d’autres moins éclatantes, montrèrent clairement qu’un nouveau système d’organisation civile, une nouvelle stratégie venaient de naître au milieu des régions orageuses de l’Helvétie.

Mais quoique les victoires décisives qui avaient conquis la liberté aux cantons suisses, aussi bien que l’esprit de résolution et de sagesse avec lequel les membres de la petite confédération s’étaient maintenus contre les plus violents efforts de l’Autriche, eussent répandu leur renommée à travers toutes les contrées environnantes ; et quoiqu’ils eussent eux-mêmes conscience du pouvoir que leurs victoires répétées leur avaient assuré, pourtant, jusqu’au milieu du quinzième siècle et plus tard encore, ils conservèrent en grande partie la sagesse, la modération et la simplicité primitives de leurs mœurs ; au point que les généraux à qui l’on confiait le comman-