Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/234

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rivière empêchaient leurs habitants de fondre sur l’Alsace. Ce côté appartenait aux cités ou villes libres de l’Empire ; et ainsi la tyrannie féodale des seigneurs allemands s’exerçait surtout sur leurs propres compatriotes, qui, irrités et épuisés par leurs rapines et leur oppression, furent forcés d’élever contre eux des barrières d’une nature aussi étonnante et aussi extraordinaire que les maux dont ils cherchaient à se garantir.

Mais la rive gauche, sur une grande partie de laquelle s’étendait l’autorité de Charles de Bourgogne à divers titres, était sous la protection régulière de magistrats spéciaux qui étaient soutenus dans l’exercice de leurs fonctions par des bandes considérables de soldats mercenaires. Ils étaient payés sur les revenus privés de Charles, qui, aussi bien que son rival Louis et d’autres princes de l’époque, avait découvert que le système féodal donnait un degré incommode d’indépendance aux vassaux, et pensait en conséquence qu’il fallait plutôt leur substituer une armée soldée, composée de compagnies franches ou de soldats par métier. L’Italie fournissait une très grande partie de ces bandes qui faisaient la force de l’armée de Charles, ou celle du moins dans laquelle il mettait le plus de confiance.

Nos voyageurs poursuivirent donc leur route sur ces rives du fleuve avec une sécurité aussi grande qu’elle pouvait l’être dans ces temps de violence et de déchirements, jusqu’à ce qu’enfin le père, après avoir regardé quelques instants l’individu qu’Arthur avait loué pour être leur guide, demanda tout-à-coup à son fils qui et quel homme c’était. Arthur répondit qu’il avait été trop pressé de trouver une personne qui connût la route et voulût bien la leur montrer, pour s’arrêter à prendre des renseignements sur sa condition et son état ; mais qu’il pensait qu’à en juger par l’extérieur de l’homme il devait être un de ces ecclésiastiques voyageurs qui parcourent le pays avec des reliques, des indulgences et autres bagatelles religieuses, et qui étaient en général peu respectés, sinon par les basses classes sur lesquelles les vendeurs de marchandises superstitieuses étaient souvent accusés de pratiquer les plus grossières déceptions.

L’extérieur du guide était plutôt celui d’un laïque dévot, ou d’un pèlerin allant visiter différents autels, que celui d’un moine mendiant ou quêteur. Il portait le chapeau, la petite malle, le bâton et la grosse dalmatique assez semblable au manteau militaire d’un hussard moderne, dont faisaient ordinairement usage ces