Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/286

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pour m’accueillir. — Moi-même, reprit la jeune fille ; moi qui fais partie, et partie considérable de la garnison, je vous réponds que vous serez bien accueilli ; mais, comme vous parlementez avec moi d’une manière vraiment hostile, il faut, d’après les lois militaires, que je baisse ma visière. »

En parlant ainsi, elle se cacha la figure sous un de ces masques qu’à cette époque les femmes portaient souvent pour aller en voyage, soit pour se garantir le teint, soit pour se soustraire à une importune curiosité. Mais, avant qu’elle pût achever cette opération, Arthur avait reconnu la joyeuse physionomie d’Annette Veilchen, jeune fille qui, bien que ne remplissant près d’Anne de Geierstein que les fonctions de simple servante, jouissait cependant d’une haute considération à Geierstein. Elle était vraiment hardie et peu accoutumée aux distinctions de rang qui étaient regardées comme peu importantes dans les simples montagnes de l’Helvétie ; enfin toujours prête à plaisanter, à rire, et à babiller avec les jeunes gens de la famille du landamman. Cette conduite n’attirait aucunement l’attention, les mœurs des montagnards mettant peu de différence entre la soubrette et la maîtresse ; car la maîtresse n’était qu’une jeune femme qui avait besoin de secours, et la soubrette une jeune fille qui était dans une position à lui offrir et à lui rendre des services. Cette espèce de familiarité aurait peut-être été dangereuse en d’autres pays ; mais la simplicité des mœurs suisses, et le genre de caractère d’Annette, qui était ferme et sensé, quoique libre et hardi, par rapport aux vierges des pays plus civilisés, maintenait tout commerce entre elle et les jeunes gens de la famille dans ce véritable sentier de l’honneur et de l’innocence.

Arthur lui-même n’avait pas manqué de faire attention à la gentille Annette, naturellement disposé, par suite de l’affection qu’il ressentait pour Anne de Geierstein, à désirer au fond du cœur gagner les bonnes grâces de la suivante ; et la chose ne fut pas difficile à un beau jeune homme qui, indépendamment des soins qu’il lui témoignait, avait la générosité de la combler à souhait de petits cadeaux destinés à embellir sa toilette, que la demoiselle, si fidèle qu’elle fût, n’avait pas le courage de refuser.

L’assurance qu’il était dans le voisinage d’Anne, et qu’il passerait probablement la nuit sous le même toit qu’elle, double circonstance que pouvaient lui faire supposer la présence et le langage de la jeune fille, fit couler plus rapidement le sang d’Arthur dans ses veines ; car, quoique, depuis l’instant où il avait passé le Rhin, il