Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/323

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pour en visiter d’autres ou pour aller vaquer aux affaires du monde.

Mais Arthur Philipson remarqua que, tandis qu’ils s’éloignaient tous les uns après les autres, la grande femme qui avait reçu l’aumône de son père demeurait toujours agenouillée près de l’autel, et il fut encore plus surpris de voir son père lui-même, qui (et il avait de bonnes raisons pour le croire) ne désirait passer à l’église que le temps nécessaire pour remplir exactement ses devoirs de dévotion, restait aussi à genoux, les yeux fixés sur la dévote au long voile, car son costume annonçait qu’elle était dévote, comme si ses propres mouvements dussent être réglés par les siens. Mais nulle idée ne se présentait à l’esprit d’Arthur qui pût lui permettre de faire la moindre conjecture sur les motifs de son père… Il savait seulement qu’il était engagé dans une négociation critique et dangereuse, susceptible d’être arrêtée ou interrompue sur différents points ; et que les soupçons politiques étaient si généralement éveillés en France, en Italie et en Flandre, que les agents les plus importants étaient souvent obligés de prendre les déguisements les plus impénétrables pour se glisser sans soupçon dans les pays où leurs services étaient jugés nécessaires. Louis XI, en particulier, dont la singulière politique semblait, pour ainsi dire, donner un caractère propre au siècle où il vivait, était bien connu pour avoir déguisé ses principaux émissaires et envoyés sous les costumes fictifs de moines mendiants, de ménestrels, d’égyptiens et d’autres vagabonds privilégiés de la basse classe.

Arthur conclut donc qu’il n’était pas improbable que cette femme fût, comme eux-mêmes, de plus d’importance que ne l’annonçaient ses vêtements ; et il résolut d’observer la conduite de son père à son égard, et de régler ses propres actions en conséquence. Une cloche annonça enfin que la messe allait être célébrée avec plus d’éclat sur le maître-autel même de la cathédrale, et le son de cette cloche fit sortir de la chapelle isolée de Saint-George le peu de fidèles qui étaient restés devant l’image du saint guerrier, à l’exception d’Arthur et de son père, ainsi que de la pénitente qui était agenouillée vis-à-vis d’eux. Quand la dernière personne se fut retirée, la femme se leva et s’avança vers le vieux Philipson qui, croisant les bras sur sa poitrine et baissant la tête dans une attitude d’obéissance que son fils ne lui avait jamais vu prendre, sembla plutôt attendre ce qu’elle avait à dire que se préparer à parler lui-même.

Il y eut une pause. Quatre lampes allumées devant l’autel du