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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/327

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les plaintes et les sanglots que lui arrachait l’affection maternelle à ces déchirants souvenirs. Philipson, ou le comte d’Oxford exilé, comme nous pouvons l’appeler à présent, remarquable dans ces époques de changement par la constance avec laquelle il était toujours resté fidèle à la maison de Lancastre, vit combien il était imprudent à sa souveraine de s’abandonner ainsi à sa faiblesse.

« Reine, dit-il, le voyage de la vie est comme celui d’une journée d’hiver, et le temps marqué pour sa durée passera rapidement, que nous le sachions mettre à profit ou non. Ma souveraine est, je l’espère, trop maîtresse d’elle-même pour souffrir que des lamentations sur le passé l’empêchent de pouvoir user du présent. Vous me voyez prêt à obéir à vos ordres. Je vais de ce pas trouver Bourgogne, et si je le trouve favorable au plan que nous voulons lui faire adopter, il pourra advenir des choses qui changeront en joie notre deuil actuel ; mais il faut profiter de l’occasion avec zèle et promptitude. Apprenez-moi donc, madame, pour quelle raison Votre Majesté est venue ici déguisée et au milieu des périls : à coup sûr ce n’est pas simplement pour pleurer sur ce jeune homme que l’illustre reine Marguerite a quitté la cour de son père, déguisée elle-même sous de vils vêtements, et qu’elle est sortie d’une retraite sûre pour venir en lieu peu sûr au moins, si même il ne l’expose pas à des dangers. — C’est vous jouer de moi, Oxford, répliqua l’infortunée princesse, ou bien vous tromper vous-même, que de penser que vous servez encore cette Marguerite qui n’a jamais prononcé un mot sans raison, jamais agi sans motif, quelque légère que fût sa conduite. Je ne suis plus le même être ferme et raisonnable ; la douleur qui me consume comme une fièvre, en me rendant une place odieuse, me pousse vers une autre par simple impuissance d’esprit, par simple impatience. La résidence de mon père est sûre, dis-tu ? Se peut-il qu’une femme qui s’est vue dépouiller du plus noble et du plus riche royaume d’Europe… qui a perdu des armées de nobles amis… se peut-il qu’une épouse sans mari, qu’une mère sans enfant… qu’une malheureuse sur la tête de qui le ciel a versé jusqu’à la dernière goutte de sa colère… se peut-il qu’elle consente à faire société avec un faible vieillard qui trouve à composer des sonnets et de la musique, des mascarades et des folies, à pincer de la harpe et à rimer, une consolation à tout ce que la pauvreté a d’affligeant et, ce qui est pire encore, au ridicule et au mépris auxquels elle expose. — Allons, madame, avec votre permission, dit son conseiller, ne blâmez pas le bon roi René de ce que, persécuté par la