Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/364

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y pouvait trouver, c’était que les privilèges et la liberté pour lesquels combattaient les grands vassaux ne descendaient pas jusqu’aux classes inférieures de la société, ou n’étendaient pas leur protection à ceux qui en avaient vraisemblablement besoin. Les deux premiers ordres de l’État, les nobles et le clergé, jouissaient de hauts et importants privilèges, et même le tiers-état, ou les bourgeois, avaient le privilège particulier qu’aucune taxe, aucun droit, aucun impôt ne pouvait être établi contre lui-même que de son propre consentement.

La mémoire du duc Philippe était chère aux Bourguignons, car durant trente années ce sage prince avait maintenu son rang parmi les souverains de l’Europe avec beaucoup de dignité, et avait accumulé d’immenses trésors sans commettre d’exactions, sans demander de nouveaux subsides aux riches contrées qu’il gouvernait. Mais les projets extravagants et les dépenses immodérées du duc Charles avaient déjà excité les soupçons de ces États ; et la mutuelle bienveillance entre le peuple et le prince commençait à faire place d’une part à la crainte et de l’autre à la méfiance. Le penchant des États à l’opposition s’était récemment accru ; car ils avaient désapprouvé les différentes guerres que leur duc avait entreprises sans nécessité ; et en lui voyant lever des corps considérables de soldats mercenaires, ils en étaient venus à craindre qu’il ne finît par employer les sommes à lui votées par ses sujets à étendre outre mesure sa prérogative royale, et à détruire les libertés du peuple.

En même temps, les succès constants du duc dans des entreprises désespérées aussi bien que difficiles, l’estime que lui conciliait son caractère franc et ouvert, la crainte qu’inspiraient l’opiniâtreté insurmontable et la tendance irrésistible d’un caractère qui ne cédait que rarement à la persuasion, et n’endurait jamais la moindre contradiction, répandaient encore une sorte de terreur mêlée de respect autour du trône, qui était matériellement soutenu par l’attachement du bas peuple à la personne du duc actuel et à la mémoire de son père. On avait appris qu’en l’occasion présente une vive opposition s’était élevée au sein des États contre le système de taxe proposé par le duc, et l’issue de la délibération était attendue avec une vive anxiété par les conseillers du prince, et avec une impatience sans bornes par le souverain lui-même.

Après un intervalle d’environ dix minutes, le chancelier de Bourgogne, qui était archevêque de Vienne et prélat d’un haut rang, entra dans la salle avec sa suite, et passant derrière le trône du