Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/39

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même, a sonné sans que nous l’entendissions plus distinctement, au milieu de cet horrible fracas, de la pluie et de la tempête, que si c’eût été le chalumeau d’un berger : comment voulez-vous donc que nous ayons entendu crier un homme ? — Il me semble pourtant que j’entends, au milieu des éléments qui rugissent, quelque chose qui ressemble à une voix humaine… Mais ce n’est pas celle d’Arthur… — Eh non ! je le sais bien, c’est une voix de femme. Les filles de ce pays correspondent entre elles de cette manière d’un rocher à un autre, malgré l’ouragan et la tempête, fussent-elles à un mille de distance… — Alors, le ciel soit loué de ce secours vraiment dû à la Providence ! J’espère encore que ce terrible jour finira heureusement. Je vais répondre à la voix. »

Il essaya de crier, mais ignorant tout-à-fait l’art de se faire entendre dans une pareille contrée, il éleva la voix, et la mit dans un ton absolument semblable à celui dans lequel rugissaient l’eau et le vent ; de sorte que, même à vingt pas de l’endroit où il parlait, il aurait été complètement impossible de la distinguer de celle des éléments furieux. Le guide sourit aux efforts infructueux de son patron, puis monta sa propre voix, de manière à produire un cri fort, sauvage et prolongé, qui, formé en apparence avec moins de peine que celui de l’Anglais, était néanmoins un son distinct, ne ressemblant à aucun de ceux qui retentissaient à l’entour, et assez haut pour être certainement entendu à une distance très considérable. On lui répliqua aussitôt par des cris de même nature, qui approchèrent peu à peu de la plate-forme, apportant une espérance de plus en plus vive à l’inquiet voyageur.

Si la détresse du père rendait sa position digne d’une compassion profonde, celle du fils, au même instant, était passablement périlleuse. Nous avons déjà expliqué qu’Arthur Philipson avait commencé son voyage aventureux le long du précipice, avec tout le sang-froid, la résolution et la détermination inébranlables, qui étaient fort essentiels à la réussite d’une entreprise où tout dépendait de la fermeté des nerfs. Mais le formidable accident qui avait arrêté sa marche était d’un caractère assez terrible pour lui faire sentir toute l’horreur d’une mort immédiate, affreuse et, comme il semblait, inévitable. Le roc solide avait tremblé, presque croulé sous ses pieds mêmes, et quoique, par un effort plutôt mécanique que volontaire, il eût échappé à la destruction imminente qui l’attendait s’il eût continué à gravir, il lui semblait que la meilleure partie de lui-même, sa fermeté d’esprit et sa vigueur de corps,