Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/397

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s’en vont en lambeaux, sa famille est à la veille de s’éteindre, son petit-fils est chassé de retraite en retraite, on le dépouille de l’héritage de sa mère… et il peut trouver de l’amusement à ces frivolités ! Je l’aurais pris, avec sa longue barbe blanche, pour un second Nicolas Bonstetten ; mais le vieux Suisse est un Salomon, comparé à René. »

Tandis que ces réflexions et autres semblables, toutes au désavantage du roi, se succédaient dans l’esprit d’Arthur, il arriva au lieu du rendez-vous, et trouva Thibaut près de la fontaine fumante, alimentée par une de ces sources d’eau chaude qui avaient su faire les délices des Romains d’un âge reculé. Thibaut, après avoir assuré son maître que sa suite, hommes et bêtes, pouvait être prête au premier signal, comprit aisément qu’il demandait à être conduit au palais du roi René qui, par sa bizarrerie et par la beauté de son architecture d’ailleurs, méritait les éloges que le vieux monarque lui avait donnés. La façade consistait en trois tours d’architecture romaine, dont deux étaient placées aux angles du palais, et la troisième, servant de mausolée, formait une partie du groupe, quoique un peu détachée des autres bâtiments. Cette dernière était construite dans les plus belles proportions ; la partie inférieure de l’édifice était carrée, servant comme de piédestal à la partie supérieure, qui était circulaire et entourée de colonnes en granit massif. Les deux autres tours aux angles du palais étaient rondes et aussi ornées de piliers avec un double rang de fenêtres. En face et communiquant avec ces restes romains, dont on fait remonter la date au cinquième siècle ou au sixième, s’élevait l’ancien palais des comtes de Provence, bâti un siècle ou deux plus tard, mais où une riche façade gothique ou moresque contrastait, et cependant était en harmonie avec l’architecture plus régulière et plus massive des maîtres du monde. Il n’y a pas plus de trente ou quarante ans que ce très curieux reste de l’art antique a été détruit pour faire place à de nouveaux édifices publics qui n’ont pas encore été construits.

Arthur éprouva réellement une sensation du genre de celle que le vieux roi avait prédite, et il demeura immobile d’étonnement lorsqu’il vit la porte toujours ouverte du palais, où des gens de toute espèce semblaient entrer librement. Après avoir promené ses regards autour de lui, le jeune Anglais monta les degrés d’un magnifique portique, et demanda à un portier aussi vieux et aussi indolent que doit l’être le domestique d’un grand, le sénéchal que lui avait nommé le roi. Le corpulent gardien, avec une excessive po-