Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/404

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et si sereine qu’on pouvait entendre tomber une feuille. Il se mit donc à suivre le chemin escarpé et rocailleux qui entourait la montagne, tantôt escaladant des rochers presque à pic, tantôt atteignant leurs sommets par un plus long détour. Il serpentait à travers un bois de buis sauvage et d’autres arbustes aromatiques également bas, qui présentaient quelque pâture aux chèvres de la montagne, mais retardaient beaucoup la marche du voyageur qui avait à les traverser. De tels obstacles étaient si fréquents, que l’heure pleine accordée par Thibaut s’était écoulée avant qu’il eût atteint la cime du mont Sainte-Victoire, et qu’il se trouvât en face du singulier couvent du même nom.

Nous avons déjà dit que la crête de la montagne, composée tout entière d’un roc nu et compacte, était séparée par un passage ou défilé en deux têtes ou pics, entre lesquels le couvent était bâti de manière à occuper tout l’espace vide. La façade de l’édifice était du genre le plus ancien et le plus sombre de la vieille architecture gothique, ou plutôt, comme on l’a appelée, saxonne ; et, sous ce rapport, correspondait à l’extérieur sauvage des rochers nus dont le bâtiment semblait faire partie, et dont il était entièrement environné, à l’exception d’un petit espace de terrain plus uni où, à force de travail et en y apportant des terres des différents endroits où ils avaient pu les ramasser en petite quantité, les bons pères étaient parvenus à se procurer la jouissance d’un jardin.

Une cloche fit venir un frère lai, portier de ce monastère singulièrement situé, auquel Arthur s’annonça comme un marchand anglais, nommé Philipson, qui venait rendre ses respects à la reine Marguerite. Le portier, avec les plus grands égards, admit l’étranger dans le couvent, et l’introduisit dans un parloir qui, donnant du côté d’Aix, présentait une vue superbe et illimitée des parties du sud et de l’ouest de la Provence. C’était dans cette direction qu’Arthur, venant d’Aix, s’était approché de la montagne ; mais le chemin tortueux par lequel il était monté l’avait sans cesse fait tourner alentour. Le côté ouest du monastère sur lequel ouvraient les fenêtres du parloir commandait la magnifique vue que nous avons indiquée ; et une espèce de balcon qui, réunissant les deux pics jumeaux, séparés en cet endroit par un espace de quatre ou cinq toises seulement, courait le long de la façade du bâtiment, et semblait être construit pour qu’on pût jouir du coup d’œil. Mais en passant par une des fenêtres du salon sur cette terrasse crénelée, Arthur remarqua que la muraille sur laquelle s’appuyait le parapet