Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/433

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Je ne suis pas un vil lansquenet, dont la politesse se paie avec des piastres. Qu’elle m’accorde seulement un mot de remerciaient, ou la valeur d’un baiser, et je m’estimerai heureux. — Un baiser sur la main, peut-être, » dit Arthur souriant encore de la simplicité de son ami.

« Hum ! sur la main ! passe pour une reine qui a bien la cinquantaine, mais ce serait un bien pauvre hommage pour une reine de mai. »

Ici, Arthur ramena encore la conversation sur la bataille, et apprit que le carnage des soldats du duc avait été beaucoup moindre durant la fuite que pendant l’action.

« Beaucoup se sauvèrent à cheval, dit Sigismond ; et nos reiters allemands coururent au butin, au lieu de poursuivre le gibier. Et d’ailleurs, pour dire la vérité, le camp du duc nous retarda nous-mêmes dans la poursuite des fuyards ; mais si nous étions allés un mille plus loin, et que nous eussions vu nos amis pendus à des arbres, aucun confédéré ne se serait arrêté tant qu’il aurait eu des jambes pour courir après les Bourguignons. — Et qu’est devenu le duc ? — Charles s’est retiré en Bourgogne, comme un sanglier qui a senti la pointe d’un épieu, et il est plus furieux que blessé. Mais il est, dit-on, triste et taciturne. D’autres assurent qu’il a réuni les restes épars de son armée, et d’immenses forces en outre, et qu’il a contraint ses sujets à lui donner de l’argent, de sorte que nous pouvons compter sur une nouvelle attaque. Mais toute la Suisse se joindra à nous après une telle victoire. — Et mon père est avec lui ? — Oui vraiment, et il a essayé de tous les moyens imaginables pour faire conclure un traité de paix entre le duc et mon propre père. Mais il est douteux qu’il réussisse. Charles est aussi irrité que jamais ; nos compatriotes sont tout fiers de notre victoire, et ils ont raison de l’être. Cependant mon père prêchera toujours que de pareilles victoires et de pareils monceaux de richesses changeront nos mœurs antiques, et que le laboureur quittera ses travaux pour devenir soldat. Il parle sans cesse sur ce ton-là : mais pourquoi de l’argent, des mets et des vins choisis, et de beaux vêtements feraient-ils tant de mal ? Je ne puis mettre cela dans ma pauvre tête… et maintes têtes meilleures que la mienne sont aussi embarrassées… À votre santé, ami Arthur… cette liqueur est délicieuse ! — Et pourquoi, vous et votre général, le prince Ferrand, accourez-vous ainsi à Aix ? — Ma foi ! vous êtes vous-même cause de notre voyage. — Moi, j’en suis la cause ? et comment, je vous