Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/467

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aïeul qui, je crois, vous honore de son estime, je vous donne la liberté. Mais je dois aussi veiller à votre salut pendant que vous retournerez au camp de Bonrgogne. Sur ce versant-ci de la montagne nous sommes tous gens loyaux et francs ; sur l’autre ils sont traîtres et meurtriers… Vous, sire comte, vous verrez, je crois, avec plaisir notre captif hors de péril. »

Le chevalier à qui Ferrand s’adressait, homme grand et robuste, s’avança pour accompagner Arthur, tandis que celui-ci exprimait au jeune duc de Lorraine les sentiments que lui inspirait sa conduite chevaleresque. « Adieu, sir Arthur de Vere, dit Ferrand. Vous avez mis à mort un noble champion, un ami qui m’était fort utile et très fidèle ; mais vous avez agi noblement et au grand jour, à armes égales, sur le front des lignes : que la faute en retombe sur celui qui le premier a cherché querelle à l’autre ! » Arthur s’inclina sur sa selle ; Ferrand rendit le salut, et ils se séparèrent.

Arthur et son nouveau compagnon commençaient à gravir l’éminence quand l’étranger parla ainsi :

« Nous avons été déjà camarades de voyage, jeune homme ; cependant vous ne me reconnaissez pas. »

Arthur tourna les yeux sur le cavalier, et remarquant que le cimier qui ornait son casque présentait l’image d’un vautour, d’étranges soupçons s’emparèrent de son esprit, qui furent confirmés lorsque le cavalier, levant sa visière, lui montra les traits sombres et sévères du prêtre de Saint-Paul.

« Le comte Albert de Geierstein ! s’écria Arthur. — Lui-même, quoique vous l’ayez vu sous un autre costume et avec une autre coiffure. Mais la tyrannie force tout le monde à porter les armes, et j’ai repris, avec permission et par ordre de mes supérieurs, celles que j’avais mises de côté. Une guerre contre la cruauté et l’oppression est aussi sainte que celle de Palestine, où des prêtres endossent l’armure. — Monseigneur comte, » dit Arthur avec chaleur, « je ne puis trop tôt vous supplier de rejoindre l’escadron de sire Ferrand de Lorraine. Ici vous êtes exposé à un péril auquel ni force ni courage ne peuvent vous soustraire. Le duc a mis votre tête à prix, et toute la contrée d’ici à Nanci est couverte de stradiotes et de cavalerie légère italienne. — Je me moque d’eux. Je n’ai pas vécu si long-temps dans un monde de tempêtes, parmi les intrigues de la guerre et de la politique, pour tomber sous les coups de soldats aussi vils qu’eux. D’ailleurs je suis avec vous, et j’ai vu tout