Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/50

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gulièrement défendue par une herse qui barrait la porte, et flanquée de tours et de créneaux d’où l’on pouvait lancer des pierres, des traits, du plomb fondu et de l’eau bouillante sur un ennemi qui aurait osé prendre un chemin si périlleux pour approcher de Geierstein, la possibilité d’une pareille tentative n’était pas regardée comme diminuant la sécurité de la garnison.

À l’époque où se passe notre histoire, où le château était entièrement ruiné et démantelé, où le pont-levis, la porte et la herse avaient disparu, le passage délabré et l’arche étroite qui unissait les deux côtés du torrent servaient de moyen de communication entre les deux rives pour les habitants du voisinage que l’habitude avait familiarisés avec la nature périlleuse d’un tel chemin.

Cependant Arthur Philipson avait, comme un bon arc nouvellement tendu, recouvré l’élasticité d’esprit et de caractère qui lui était naturelle. Ce ne fut pas, à la vérité, avec un calme parfait qu’il suivit son guide marchant d’un pas léger sur l’arche étroite composée de pierres mal unies que rendait humides et glissantes la pluie fine que produisait sans cesse la cascade voisine. Et ce ne fut pas sans crainte qu’il se vit accomplissant cette dangereuse prouesse dans le voisinage de la chute d’eau elle-même, dont le fracas étourdissant retentissait toujours à son oreille, quoiqu’il eût le soin de ne pas tourner la tête du côté de l’effroyable torrent, de peur d’avoir encore le cerveau troublé par le tumulte des eaux qui s’élançaient du haut d’un immense rocher pour s’engloutir, à ce qu’il semblait, dans un gouffre sans fond. Mais, malgré ces mouvements de frayeur, la honte bien naturelle de paraître effrayé lorsqu’une jeune et belle fille montrait tant d’insouciance, et le désir de réparer sa réputation aux yeux de sa conductrice, empêchèrent Arthur de céder encore aux sentiments pusillanimes qui l’avaient dominé peu auparavant. Avançant d’un pas ferme, et pourtant s’appuyant par précaution sur son bâton ferré, il suivit son guide léger le long du pont terrible, passa derrière elle sous la porte ruinée, à laquelle ils arrivèrent par un escalier dont les marches étaient aussi en délabrement.

Le portail les introduisit au milieu d’une masse de ruines, formant jadis une espèce de cour du donjon qui s’élevait encore sombre et superbe au dessus des débris de bâtiments destinés soit à la défense du dehors, soit à la commodité du dedans. Ils traversèrent rapidement les ruines sur lesquelles la végétation avait jeté un triste manteau de lierre et d’autres plantes grimpantes, et ils en