Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/56

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Pendant qu’Arnold Biederman se promenait et causait avec le plus âgé de ses hôtes, les jeunes gens semblaient examiner Arthur des pieds à la tête, et de temps à autre ils interrogeaient tout bas Anne leur parente, recevant d’elle des réponses brèves et impatientes, qui, loin de l’apaiser, excitaient au contraire la veine de gaîté à laquelle s’abandonnaient les montagnards, et même, à ce qu’il sembla au jeune Anglais, aux dépens de leur hôte. La douleur de se sentir exposé à la dérision n’était pas adoucie par la réflexion que, dans une société pareille, elle devait probablement s’attacher à quiconque ne savait pas marcher au bord d’un précipice d’un pas aussi ferme et aussi déterminé que si on se promenait dans les rues d’une ville. Si déraisonnable que puisse être le ridicule, il est toujours déplaisant d’y être soumis, mais c’est encore plus particulièrement pénible pour un jeune homme en présence de la beauté. Il y avait quelque consolation pour Arthur à penser que la jeune fille n’approuvait certainement par ces plaisanteries et qu’elle paraissait réprouver du geste et de la voix la grossièreté de ses compagnons ; mais il craignait que ce fût seulement par pure humanité.

« Elle aussi doit me mépriser, pensa-t-il, quoique un sentiment des convenances inconnu à ces rustres mal élevés la mette à même de déguiser son mépris sous une apparence de pitié. Elle ne peut juger de moi que d’après ce qu’elle a vu… Si elle pouvait me mieux connaître (telle fut son orgueilleuse pensée), elle me placerait peut-être plus haut dans son estime. »

Lorsque les voyageurs entrèrent dans l’habitation d’Arnold Biederman, ils trouvèrent tout préparé dans un vaste appartement, qui servait à plusieurs usages, pour un repas simple mais abondant. En promenant ses regards sur les murs de cette salle, on y voyait tous les instruments de l’agriculture et de la chasse ; mais les yeux du vieux Philipson s’arrêtèrent sur un corselet de cuir, sur une longue et lourde hallebarde, enfin sur un de ces sabres qu’on ne maniait qu’à deux mains, arme formant une espèce de trophée. Auprès, mais couvert de poussière, sale et rouillé, pendait un casque avec la visière, semblable à ceux que portaient les chevaliers et les hommes d’armes. La guirlande ou couronne d’or qui l’entourait, quoique tout-à-fait ternie, indiquait une naissance et un rang illustres ; et le cimier qui était un vautour de l’espèce qui donna le nom à l’antique château et au rocher adjacent, suggéra différentes conjectures à l’hôte anglais, qui, connaissant assez bien l’histoire de la révolution suisse, doutait peu qu’il ne vît dans cette