Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/60

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mettent à la jeunesse de connaître leurs résolutions, puisque c’est elle qui doit les exécuter. La tête qui pense peut bien se fier à la main qui frappe. — Non, pas avant qu’il soit temps de porter le coup, jeune homme, » dit Arnold Biedermann d’un ton sévère. « Quelle espèce de conseiller est-ce que celui-là qui débite à tort et à travers les secrets des affaires d’état devant des femmes et des étrangers ? Allez, Rudolphe, et vous tous aussi, allez essayer à de mâles exercices lequel de vous est le plus capable de servir son pays plutôt que d’émettre votre opinion sur les mesures qu’on a jugées convenables… Restez, vous, jeune homme, » continua-t-il en s’adressant à Arthur qui s’était levé, « ceci ne vous regarde pas, vous qui n’êtes pas habitué à voyager dans les montagnes, et qui devez avoir besoin de repos. — Mais non, monsieur, non pas, s’il vous plaît, répliqua le plus âgé des voyageurs ; nous pensons en Angleterre que le meilleur délassement après nous être fatigués par une espèce d’exercice, est de nous livrer à un autre : monter à cheval, par exemple, délasse mieux une personne fatiguée de marcher, que ne le ferait le meilleur lit du monde. Si donc vos jeunes gens veulent bien le permettre, mon fils prendra part à leurs exercices. — Il trouvera de rudes camarades, répondit le Suisse ; mais comme il vous plaira. »

Les jeunes gens se rendirent en conséquence dans la vaste pelouse qui s’étendait devant la maison. Anne de Geierstein et quelques autres femmes de la maison s’assirent sur un banc pour juger qui serait le plus habile ; et des cris, de longs éclats de rire, enfin tout ce qui annonce l’ardeur que mettent les jeunes hommes à de mâles amusements, retentirent bientôt aux oreilles des deux vieillards qui étaient restés ensemble dans la salle. Le maître de la maison reprit le flacon de vin, et, après avoir rempli la coupe de son hôte, versa ce qui restait dans la sienne.

« À un âge, digne étranger, dit-il, où le sang devient plus froid, où les sentiments deviennent moins vifs, un petit coup de vin ramène les pensées légères et rend les membres plus souples. Pourtant, je souhaiterais presque que Noé n’eût jamais planté la vigne, quand je vois de mes propres yeux, depuis plusieurs années, mes compatriotes avaler du vin comme de véritables Allemands, au point de ressembler à des porcs gorgés, et d’être incapables de penser, de sentir et de se mouvoir. — C’est un vice, répliqua l’Anglais, qui, je le remarque, gagne aussi du terrain dans notre pays où il était totalement inconnu il y a un siècle, à ce que j’ai ouï dire.