Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/47

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gorge du cavalier. Il se précipita sur le Sarrasin, et, en dépit de sa jeunesse et de sa vigueur, il le tint renversé sous lui et enlaça de ses longs bras ceux de son prisonnier. Le musulman s’écria d’une voix irritée, quoique riant encore à demi : « Hamako… fou que tu es… lâche-moi… ceci passe tes privilèges ; lâche-moi, te dis-je, ou je me servirai de mon poignard.

— De ton poignard ! chien d’infidèle, dit la figure couverte de peau de bouc, prends-le, si tu peux, » et en parlant ainsi il arracha cette arme de la main du cavalier, et la brandit au dessus de sa tête.

« Au secours, Nazaréen, » s’écria Sheerkohf, qui commençait à s’alarmer sérieusement, « au secours, ou le Hamako me tuera !

— Te tuer, reprit l’habitant du désert, tu as en effet mérité la mort en adressant tes hymnes blasphématoires, non seulement à ton faux prophète, qui est l’avant-coureur de l’esprit impur, mais encore à l’auteur du mal lui-même. »

Le chevalier chrétien était resté jusque là comme un homme pétrifié, tant l’événement et le résultat de cette rencontre avaient contredit toutes les conjectures auxquelles il s’était livré un moment auparavant ! Il sentit cependant à la fin que son honneur était intéressé à ce qu’il intervînt en faveur de son compagnon, et en conséquence il s’adressa ainsi au vainqueur vêtu de peau de bouc.

« Qui que tu sois, dit-il, bon ou mauvais esprit, sache que j’ai juré d’être pour le moment le fidèle compagnon du Sarrasin que tu tiens abattu ; je te somme donc de le laisser se relever, autrement je te livrerai combat pour sa défense.

— Ce serait une querelle bien honorable pour un croisé ! En faveur d’un chien d’infidèle, il tournerait ses armes contre un des frères de sa sainte croyance ! es-tu venu dans le désert pour défendre le croissant contre la croix ? Voilà un digne soldat de Dieu, qui écoute chanter les louanges de Satan ! »

Tout en parlant ainsi, il s’était relevé, et permettant au Sarrasin de se relever aussi, il lui rendit son cangiar ou poignard.

« Tu vois à quel danger imminent ta présomption t’a exposé, » continua l’homme à la peau de bouc, en s’adressant à Sheerkohf, « et par quels faibles moyens ton adresse consommée et l’agilité dont tu es fier peuvent être mises en défaut quand telle est la volonté du ciel. Prends donc garde, ô Ilderim ! car sache que s’il n’existait pas un point scintillant dans l’astre de ta naissance qui te promet une marque de la bonté et de la miséricorde de Dieu quand ton