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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/131

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damoiselle de la gaie science ? Oui, par saint Gilles ! et une jolie fillette encore. Arrêtez un peu, mes braves ; jamais la musique n’est mauvaise pour moi… Une belle voix, par la messe ! recommencez ce lai, pour l’amour de moi, ma belle. »

Louise ne connaissait pas la personne qui lui parlait ; mais au respect que tous les assistants témoignaient au duc, à la manière insouciante dont il le recevait, elle comprit qu’elle était en présence d’un homme de la plus haute qualité. Elle recommença son lai, et, bien entendu, le chanta de son mieux, tandis que le jeune duc semblait pensif et presque touché du contenu de la romance ; mais il n’avait pas l’habitude de se complaire à des émotions mélancoliques. « C’est une plaintive romance, ma brunette, » dit-il en caressant le menton de la chanteuse qui se reculait, et en la retenant par le collet de sa jaquette, ce qui n’était pas difficile, car il se tenait à cheval auprès des marches où elle était ; « mais je parie que vos chansons sont plus gaies à volonté, ma bella tenebrosa, oui, et que vous pouvez chanter sous la feuillée aussi bien que dans la plaine, et la nuit aussi bien que le jour. — Je ne suis pas un rossignol, milord, » dit Louise, en s’efforçant d’échapper à une espèce de galanterie qui ne convenait ni au lieu ni aux circonstances, ce qui paraissait fort indifférent au jeune galant.

« Qu’as-tu donc là, mignonne ? » ajouta-t-il, lâchant le collet de la chanteuse pour prendre le coffret qu’elle portait.

Louise fut charmée de trouver ce moyen de lui échapper, et coupant le nœud du ruban, elle laissa le petit sac dans la main du prince, puis se retirant de manière à ce qu’il ne pût l’atteindre de nouveau, elle répondit : « Des noix, milord, de la dernière saison. »

Le prince prit en effet une poignée de noix. « Des noix, mon enfant… elles briseront tes dents d’ivoire… et gâteront ta jolie voix, » dit Rothsay, en en cassant une avec ses propres dents, comme un écolier de village.

« Elles ne viennent pas de mon brillant pays, milord, reprit Louise ; mais elles ne sont point haut sur l’arbre, et la main du pauvre les y peut cueillir. — Vous aurez de quoi vous procurer une meilleure nourriture, pauvre fillette vagabonde, » dit le duc, d’un ton où la sensibilité dominait plus que dans les galanteries affectées et dédaigneuses qu’il avait d’abord adressées à la chanteuse.