Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/136

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s’écria : « Protection ! mon noble prince, protection pour une étrangère sans appui ! — Lâchez ce manteau ! coureuse, » dit le comte de March, en repoussant la chanteuse suppliante.

Mais le prince plus compatissant s’arrêta : « Cela est vrai, dit-il ; j’ai attiré la vengeance d’un démon impitoyable sur cette malheureuse créature. Ô ciel ! quelle vie est la mienne, toujours fatale à ceux qui m’approchent !… Que faire dans ce moment critique ? elle ne peut se réfugier dans mes appartements et tous mes gens sont de tels réprouvés ! Ah ! te voilà, honnête Henri Smith, que fais-tu là ? — Nous nous sommes quelque peu battus, nous autres citoyens, contre les coquins du sud qui suivent les Douglas, et nous les avons étrillés jusqu’à la porte de ce monastère. — J’en suis charmé, j’en suis charmé ; et vous les avez traités de la bonne manière ? — De la bonne manière ? demande Votre Altesse, dit Henri ; ma foi, oui ! Nous étions plus forts par le nombre, c’est vrai ; mais jamais soldats ne furent mieux armés que ceux qui portent le cœur-sanglant ; et ainsi, dans un sens, nous les avons battus de la bonne manière ; car, comme sait Votre Altesse, c’est l’armurier qui fait les hommes d’armes, et des hommes avec de bonnes armures valent des adversaires plus nombreux. »

Tandis qu’ils causaient ainsi, le comte de March, qui avait parlé à quelqu’un près de la porte du palais, rentra d’un air inquiet et d’un pas précipité. « Milord duc !… milord duc !… votre père a repris connaissance ; et si vous tardez d’un instant, milord d’Albany et Douglas auront pris possession de l’oreille royale. — Et si mon royal père est remis de son indisposition, dit le prince frivole ; s’il tient ou s’apprête à tenir conseil avec mon gracieux oncle et le comte de Douglas, il ne convient ni à Votre Seigneurie ni à moi de les interrompre sans être appelés. Ainsi donc, j’ai le temps de jaser de mes petites affaires avec mon honnête armurier que voilà. — Votre Altesse le prend-elle sur ce ton ? » dit le comte dont les vives espérances d’un retour de faveur à la cour avaient été trop promptement conçues et se dissipaient aussi vite ; « alors c’en est assez pour George Dunbar. »

Il se retira, l’air sombre et mécontent. Et ainsi, à une époque où le tronc était si fortement ébranlé par l’aristocratie, l’héritier présomptif, toujours inconsidéré, avait offensé mortellement les deux plus puissants lords de l’Écosse, l’un par un méprisant défi, l’autre par une insouciante inattention. Il ne remarqua point le