Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/157

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plus terrible cri de guerre que j’aie entendu est la romance d’une chanteuse publique ; et je n’ai pas vu voler d’autres balles que des noisettes. — Et moi, dit le comte de March, j’ai seulement pu apercevoir que les vaillants citoyens de Perth donnaient la chasse à quelques drôles qui portaient le cœur-sanglant sur leurs épaules ; mais ces soldats s’enfuyaient trop vite pour être réellement les hommes d’armes du comte de Douglas. »

Douglas comprit l’ironie, mais il y répliqua seulement par un de ces regards mornes qui annonçaient d’ordinaire son mortel ressentiment. Il parla ensuite avec un calme hautain.

« Mon souverain, dit-il, peut savoir que c’est Douglas qui doit répondre à cette pressante accusation ; car, quand y eut-il une bataille ou une effusion de sang en Écosse, sans qu’on en ait déversé le blâme sur un Douglas ou sur un partisan de Douglas ; nous avons ici d’éclatants témoignages. Je ne parle pas de milord d’Albany, qui s’est contenté de dire qu’il se trouvait alors, comme cela lui convient, au côté de Votre Grâce ; et je ne dis rien de milord de Rothsay qui, sans déroger à son rang, à son âge et à sa raison, cassait des noisettes avec une musicienne ambulante… Il sourit… il peut parler ici comme bon lui semble… Je n’oublierai pas un devoir qu’il semble avoir oublié ; mais voilà milord de March qui a vu mes gens fuir devant la canaille de Perth ! Je répondrai au comte que les soldats du cœur-sanglant marchent en avant ou battent en retraite quand leur chef l’ordonne, et quand le bien de l’Écosse l’exige. — Et je puis répondre… » s’écria le comte de March, également fier, et le sang lui montant au visage, quand le roi l’interrompit.

« Paix ! seigneurs vindicatifs, dit le roi, et rappelez-vous en présence de qui vous êtes !… Et vous, milord de Douglas, dites-nous, si vous pouvez, la cause de cette révolte, et pourquoi vos hommes d’armes, dont nous sommes prêts à reconnaître les bons services en général, étaient ainsi mêlés dans une querelle particulière ?… — J’obéis, milord, » dit Douglas, baissant un peu une tête qu’il inclinait rarement ; « je passais, en venant de mes quartiers, dans le monastère des dominicains, par la rue Haute de Perth, avec quelques hommes de ma suite ordinaire, quand j’ai aperçu un tas de menu peuple autour de la croix, contre laquelle ils avaient cloué ce placard, et ceci tout auprès. »

Il tira d’une poche qu’il avait sous son justaucorps une main humaine et une feuille de parchemin. Le roi parut surpris et agité.