Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/184

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geance qu’ils demandent. Je suis Ian Éachin Mac-Jan, fils du chieftain du clan Quhele. Mes plumes ont mué, vous voyez, dès que j’ai changé de nom. Quant à ces hommes, ce ne sont pas les gens de mon père, mais les miens. Vous n’en voyez ici qu’une partie, ils forment une troupe qui se compose de mon père nourricier et de ses huit fils ; ils sont mes gardes du corps, les enfants de mon ceinturon[1], et ne respirent que pour exécuter ma volonté. Mais Conachar, » ajouta-t-il d’un ton de voix plus doux, « Conachar vit encore dès que Catherine désire le voir ; et tandis qu’il est pour tout le monde le jeune chef du clan Quhele, il est pour elle aussi humble, aussi obéissant que lorsqu’il était apprenti de Simon Glover. Regardez, voici la houssine que vous m’avez donnée un jour où nous fûmes ensemble cueillir des noisettes dans les broussailles de Lennoch, quand l’automne de l’année qui vient de finir était encore à ses premiers jours. Je ne m’en séparerais pas, Catherine, pour le bâton de commandement de ma tribu. »

Pendant qu’Éachin parlait ainsi, Catherine commençait à douter, dans son cœur, si elle avait prudemment agi en recourant à l’assistance d’un jeune homme audacieux, fier sans doute de cette élévation soudaine d’un état de servitude à une position qui lui donnait une autorité sans bornes sur une troupe de partisans à peine civilisés.

« Vous ne me craignez pas, belle Catherine ? » dit le jeune chef en lui prenant la main. « J’ai laissé mes gens se présenter quelques minutes avant moi, pour voir comment vous supporteriez leur présence ; il me semble que vous les regardiez comme si votre naissance vous destinait à être l’épouse d’un chef. — Je n’ai aucune raison de redouter des montagnards, » dit Catherine d’une voix ferme, « surtout quand je pensais que Conachar était avec eux. Conachar a bu dans notre coupe et mangé de notre pain ; mon père a souvent trafiqué avec les montagnards, et jamais il n’y eut querelle ni coups entre eux et lui. — Non, s’écria Hector (car tel est le nom saxon qui rend Éachin.) Quoi ! pas quand il prit le parti de Gow Chrom[2], contre Éachin Mac-Jan ?… Ne dites rien pour l’excuser, et croyez que ce sera votre faute, si je fais encore allusion à cette aventure. Mais vous avez quelque ordre à me donner… parlez, et vous serez obéie. »

  1. C’est-à-dire ceux qui sont fidèles. a. m.
  2. Ce qui signifie le forgeron aux jambes torses. a. m.