Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/188

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CHAPITRE XV.

L’APOTHICAIRE.


Ô ! que se donnerais-je pas pour un breuvage qui pût remplir le sommeil de toutes les douleurs de l’agonie !
Bertha.


Nous avons montré les secrets du confessionnal ; ceux de l’alcôve du malade ne nous sont pas cachés. Dans un sombre appartement où des onguents et des médecines montraient que le docteur avait mis tout son savoir en réquisition, un grand corps maigre gisait étendu sur un lit et entortillé dans une robe de chambre attachée par une ceinture, la douleur sur le visage, et le sein agité par mille passions tumultueuses. Tout dans l’appartement annonçait un homme opulent et prodigue. Henbane Dwining, l’apothicaire, qui semblait veiller le patient, allait avec le pas léger d’un chat, d’un coin de la chambre à l’autre, s’occupant à mélanger des drogues, et préparant des bandages. Le malade poussa quelques gémissements ; aussitôt le médecin s’approcha du lit, et lui demanda si ces cris lui étaient arrachés par la souffrance de son corps ou par celle de l’esprit.

« Par l’une et l’autre, varlet empoisonneur, dit sir John Ramorny ; et par l’ennui que me cause ta maudite compagnie. — Si c’est là tout, sire chevalier, je puis vous soulager d’un de ces maux en me transportant ailleurs sur-le-champ. Grâce aux nombreuses querelles de ce siècle belliqueux, si j’avais vingt mains au lieu de ces pauvres serviteurs de mon art (et il étendit ses mains décharnées), j’aurais de quoi les employer, et les employer encore à bon profit en certains endroits où les remercîments et les couronnes rivaliseraient à payer mes services, tandis que vous, sir John, vous rejetez sur votre chirurgien la colère que vous devriez seulement ressentir contre l’auteur de votre blessure. — Vilain, il est au-dessous de moi de te répondre, dit le patient ; mais chaque mot de ta langue venimeuse cause une blessure qui défierait tous les onguents de l’Arabie. — Sir John, je ne vous comprends pas ; mais si vous vous abandonnez à ces furieux accès de rage, il est impossible que la fièvre et l’inflammation ne s’en suivent pas. — Alors pourquoi parler de manière à m’échauffer le sang ? Pourquoi faire la supposition qu’un être aussi indigne que toi ait besoin