Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/190

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tien, bien qu’en poltron véritable, il n’ose l’appeler de son vrai nom. — Tu as donc, vilain, plus d’élévation d’âme que je ne croyais, » dit Ramorny. — N’y faites pas attention, répondit Dwining ; les eaux les plus tranquilles sont aussi les plus profondes, et l’ennemi le plus à craindre est celui qui ne menace jamais avant de frapper. Vous autres chevaliers et hommes d’armes, vous allez droit au but l’épée à la main ; nous, pauvres clercs, nous avançons au petit pas, sans bruit, par une route détournée, mais nous n’arrivons pas moins sûrement à nos fins. — Et moi, » dit le chevalier, qui courait à la vengeance avec un pied armé et retentissant, « il me faut à présent chausser une pantoufle semblable à la tienne ? Ah… — Celui qui manque de force doit recourir à l’adresse. — Et dis-moi, sincèrement, médecin, pourquoi tu m’as donné cette leçon infernale. Dis-moi pourquoi tu voudrais me précipiter plus loin ou plus vite dans ma vengeance, que je ne le désirais peut-être. Je suis un vieux routier dans les voies du monde, l’ami ; et je sais que des gens comme toi ne lâchent pas des paroles en vain, et ne recherchent pas la dangereuse confiance d’hommes tels que moi, sans l’espoir de servir quelque projet pour leur compte. En quoi t’intéresse-t-il que dans cette occurrence je prenne la route pacifique ou la route sanglante ? — Pour parler sans détour, sire chevalier, quoique ce ne soit pas mon habitude, c’est parce que mon chemin pour arriver à la vengeance est le même que le vôtre. — Le même que le mien, homme, » répéta Ramorny du ton d’une surprise dédaigneuse : « Je pensais aller trop haut pour que tu pusses aller jusque-là. Tu vises à la même vengeance que Ramorny ? — Oui, vraiment, répondit Dwining ; car ce paysan d’armurier, qui vous a appliqué le coup fatal, m’a souvent fait à moi tort et injure. Il m’a dédaigné pour le conseil, méprisé pour l’action. Sa brutale et téméraire hardiesse est un reproche vivant de la subtilité dont m’a doué la nature. Je le crains et je le hais. — Et vous espérez trouver en moi un actif coadjuteur ? » dit Ramorny avec le même ton hautain ; « mais apprenez que cet artisan appartient à une classe trop basse pour m’être un objet de haine ou de crainte. Nous ne haïssons pas le reptile qui nous a piqués, quoique nous puissions l’arracher de notre blessure, et l’écraser. Je connais le drôle depuis long-temps pour un vigoureux ferrailleur, et comme un prétendant aux faveurs d’une dédaigneuse créature dont la beauté nous avait aiguillonnés dans notre sage et heureuse entre-