Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/210

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En ce moment, une autre symphonie de musique qui, comme le bonnetier put s’en apercevoir, approchait de plus en plus, porta sa frayeur au comble ; et d’une voix qui ne chercha plus à déguiser son excessive terreur, il s’écria :

« Par égard pour notre ancien compérage, pour l’amour de Notre-Dame bienheureuse, recevez-moi, Henri, si vous ne voulez pas, en place d’un être vivant, trouver demain un cadavre sanglant à votre porte, tombé sous les coups des sanguinaires Douglas. — Ce serait une honte pour moi, » pensa l’armurier au bon cœur ; « et à vrai dire, son péril peut être réel. Il est des faucons en chasse qui attaqueraient un moineau aussi bien qu’un héron.

Après ces réflexions qu’il murmura en partie, qu’en partie il fit à voix haute, Henri alla ouvrir sa porte bien fermée pour reconnaître la réalité du péril avant d’admettre dans sa maison son hôte importun. Mais tandis qu’il regardait dehors pour voir où en étaient les choses, Olivier s’élança dans la maison, comme un cerf effarouché dans un taillis, et se campa au coin du feu dans la cuisine de l’armurier, avant qu’Henri eût parcouru la ruelle des yeux depuis le haut jusqu’en bas, et reconnu qu’il n’y avait point d’ennemis à la poursuite du fugitif épouvanté ; il referma donc sa porte, et revint à la cuisine, mécontent d’avoir troublé sa sombre solitude, en sympathisant à des appréhensions qu’il aurait dû, pensait-il, reconnaître pour fausses, comme toutes celles de son timide concitoyen.

« Comment donc ? » dit-il assez froidement quand il vit le bonnetier tranquillement assis dans sa maison. « Quelle sotte farce est-ce là, maître Olivier ?… Je n’aperçois personne aux environs qui vous veuille du mal. — Donne-moi à boire, cher compère, répondit Olivier ; j’étouffe de la course que j’ai faite pour venir ici. — J’ai juré, dit Henri, que la nuit se passerait sans réjouissance dans cette demeure… je suis dans mon costume des jours ouvriers, comme vous voyez, et je jeûne pour de bonnes raisons, au lieu de me livrer à la fête. Vous avez déjà assez bu ce soir, car votre langue bredouille… S’il vous faut encore de l’ale ou du vin, allez en chercher ailleurs. — Oh, oui ! j’ai déjà trop riboté, dit le pauvre Olivier ; et l’on m’a presque noyé dans le vin… Cette maudite calebasse !… une gorgée d’eau, bon compère… vous ne me laisserez sûrement pas vous demander si peu en vain, ou, s’il vous plaît, un coup de petite ale fraîche ? — Eh bien ! si c’est là tout, répliqua Henri, vous allez l’avoir. Mais il faut que vous