Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/24

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bien ! à ta volonté ; mais ce ne sera ni dans ma maison, ni en ma compagnie. »

Conachar sembla plutôt s’irriter de cette admonition que s’y soumettre. Mais un signe de Catherine, si le léger mouvement de son petit doigt pouvait s’appeler un signe, eut plus d’effet que la verte réprimande du maître ; et le jeune homme quitta l’air militaire qui lui semblait naturel, pour redevenir l’humble apprenti d’un paisible bourgeois.

Cependant la petite troupe fut rejointe par un grand jeune homme enveloppé d’un manteau qui cachait une partie de sa figure, usage ordinaire des galants de l’époque, quand ils désiraient n’être pas reconnus, ou quand ils se mettaient en campagne pour chercher des aventures. Il semblait ainsi dire à ceux qui l’entouraient. « Je désire, pour l’instant, ne pas être connu, ni interpellé par mon titre ; mais comme je ne suis responsable qu’à moi seul de mes actions, je garde l’incognito pour la forme, et m’inquiète peu que vous lisiez ou non au travers. » Il vint se placer à droite de Catherine qui donnait le bras à son père, et ralentit son pas comme pour cheminer de compagnie.

« Je vous donne le bonsoir, brave homme. — J’en dis autant à Votre Honneur, et merci… Puis-je vous prier de continuer votre chemin ? notre pas est trop lent pour celui de Votre Seigneurie… notre société trop humble pour le fils de votre père. — Le fils de mon père est mieux à même d’en juger, vieillard ; j’ai à causer d’affaires avec vous et avec ma belle sainte Catherine que voilà, la plus aimable et la plus inflexible des saintes du calendrier. — Avec tout le respect que je vous dois, milord, dit le vieillard, je vous rappellerai que c’est la veille du bon saint Valentin, moment peu propice aux affaires, et que je puis recevoir les ordres de Votre Seigneurie, dès qu’il vous plaira de me les envoyer par votre domestique. — Il n’y a point de moment meilleur que celui-ci, » répliqua l’obstiné jeune homme dont le rang semblait être tel qu’il le dispensait de toute cérémonie. « Je voudrais savoir si la veste de buffle que j’ai commandée depuis un certain temps est finie ?… et de vous, charmante Catherine (il baissa tellement la voix que ce ne fut plus qu’un murmure)… je désire apprendre si vos jolis doigts y ont travaillé suivant votre promesse ? mais je n’ai pas besoin de vous le demander ; car mon pauvre cœur a ressenti la piqûre de chaque point qui perçait l’habit dont il devait être couvert. Cruelle ! comment vous excuserez-vous d’avoir ainsi