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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/267

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sachez pas mauvais gré à votre frère parce qu’il vous dit la vérité : les meilleurs fruits sont ceux qui mûrissent le plus lentement, et les meilleurs chevaux, ceux qui donnent le plus de peine à dresser pour les combats ou pour la lice. »

Le duc s’arrêta, et après avoir laissé le roi se livrer, pendant deux ou trois minutes, à une rêverie qu’il n’essaya pas d’interrompre, il ajouta d’un ton plus aimable : « Mais ayez bonne espérance, mon noble seigneur ; peut-être cette querelle pourra-t-elle s’arranger sans de nouvelles difficultés et de nouveaux combats. La veuve est pauvre, car son mari, quoique bien connu dans sa profession, avait des habitudes de fainéantise et de dépense. L’affaire pourra sans doute s’arranger avec de l’argent, et la valeur de l’assythment[1] sera payée par Ramorny sur ses biens. — Ah ! nous la payerons nous-même, » s’écria le roi Robert, saisissant avec empressement l’espérance que cet affligeant débat se terminerait d’une manière pacifique ; « l’avenir de Ramorny sera détruit par son bannissement de la cour et la perte de sa charge dans la maison de Rothsay, il serait peu généreux d’accabler un homme dans la disgrâce… Mais voici notre secrétaire le prieur, qui vient nous dire que l’heure du conseil approche… Bonjour, mon digne père. — Soyez béni ! mon royal maître, répondit l’abbé. — Mon bon père, dit le roi, sans attendre Rothsay qui viendra au conseil, nous vous le garantissons nous-même, occupons-nous des affaires de notre royaume. Quelles nouvelles avez-vous reçues de Douglas ? — Il est arrivé à son château de Tantallon, monseigneur, et il a envoyé un courrier peur annoncer que, quoique le comte de March demeure enfermé dans la forteresse de Dunbar, ses partisans et ses amis se rassemblent, et forment un camp dans le voisinage de Coldingham, où, à ce qu’on suppose, ils comptent attendre l’arrivée de l’armée anglaise que Hotspur et sir Ralph Percy réunissent sur la frontière de l’Angleterre. — Voilà de mauvaises nouvelles, dit le roi ; que Dieu pardonne à George de Dunbar ! » Le prince entra au moment où il prononçait ces mots : « Ah ! te voilà enfin, Rothsay… je ne t’ai pas vu à la messe. — Je me suis levé trop tard ce matin ; j’ai passé la nuit sans repos et avec la fièvre. — Ah, jeune fou ! reprit le roi ; si tu avais pris un peu plus de repos le mardi gras, tu n’aurais pas passé la nuit du mercredi des Cendres avec la fièvre. — Que je n’interrompe pas vos prières, Sire, » reprit le prince d’un

  1. Amende due par le meurtrier au plus proche parent de la victime. a. m.