Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/272

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libre, et bourgeois de Perth, a été tué dans les rues de la ville, le soir du mardi gras ou le matin du mercredi des Cendres. — Femme, » répliqua le roi avec bonté, « ton sexe doit inspirer de la douceur, et ton affection même peut t’apprendre à être miséricordieuse ; car nos malheurs personnels doivent nous rendre… et nous rendent en effet compatissants pour les autres. Ton mari n’a fait que franchir le passage qu’il nous faudra tous franchir. — Votre Majesté voudra bien se rappeler que pour lui le passage a été court et sanglant, dit la veuve. — J’avoue que son sort est digne de pitié ; mais puisque je n’ai pu le protéger, comme je reconnais que c’était mon devoir de roi, je consens, en réparation, à pourvoir à vos besoins et à ceux de ces orphelins, sur le même pied, ou mieux encore que du temps de votre mari, mais à condition que vous vous désisterez de cette plainte et que vous ne donnerez pas lieu à une nouvelle effusion de sang. Faites-y attention, je vous laisse le choix entre accorder merci ou poursuivre vengeance ; entre l’abondance dans le premier cas, et la misère dans l’autre. — Il est vrai, Sire, que nous sommes pauvres, » répondit la veuve avec une fermeté inébranlable ; « mais, moi et mes enfants, nous chercherons notre nourriture comme les animaux des bois, avant que de vivre du prix du sang de mon mari ; je vous demande le combat par mon champion, comme vous êtes chevalier portant le ceinturon et roi portant la couronne. — Je m’en doutais, » dit à voix basse le roi à Albany. « En Écosse les premiers mots que balbutie un enfant, et les derniers que répète le vieillard à l’agonie sont : « Le combat… du sang… vengeance. » Il serait inutile de résister plus long-temps. Faites entrer les défendants. »

Sir John Ramorny entra ; il était vêtu d’une longue robe fourrée, selon la coutume des hommes de qualité lorsqu’ils étaient désarmés. Caché sous les plis de l’étoffe, son bras blessé était soutenu par une écharpe de soie cramoisie, et de l’autre il s’appuyait sur un jeune homme qui, paraissant à peine sorti de l’enfance, portait déjà sur le front les traces profondes de passions prématurées, et d’une méditation au-dessus de son âge. C’était le célèbre Lindsay, comte de Crawford, qui dans la suite fut connu sous le nom du comte Tigre, et qui gouverna la grande et riche vallée de Strathmore, avec le pouvoir absolu et la cruauté effrénée d’un tyran féodal. Deux ou trois gentilshommes, amis du comte ou les siens, assistaient sir John de Ramorny de leur présence en