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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/285

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Puis, dans l’accès d’une muette douleur, elle pressa sur son cœur et sur ses lèvres le chapelet de son défunt mari, et le mit dans les mains de Dwining.

« Prenez-le, reprit-elle, pour l’amour de celui qui vous aimait bien… Ah ! il avait coutume de dire que si un homme pouvait être ramené des bords du tombeau, ce devait être par maître Dwining. Et son enfant est rappelé aujourd’hui à la vie, tandis qu’il est là étendu roide et immobile, sans se douter de la maladie et de la guérison de son fils ! Ah ! malheur à moi ! malheur ! malheur ! mais prenez le chapelet, et pensez à sa pauvre âme quand vous le tiendrez entre vos doigts. Il sortira plus vite du purgatoire si les bonnes âmes prient pour obtenir sa rédemption.

— Gardez votre chapelet, brave femme… je ne connais rien aux jongleries, ni aux évocations, » répondit le médecin, qui, se sentant plus ému qu’il ne s’en croyait capable, voulait éviter de recevoir ce sinistre présent ; mais ses dernières paroles avaient offensé le moine, auquel il ne songeait plus en les prononçant.

« Comment, seigneur apothicaire ! dit le dominicain, nommez-vous les prières pour les morts des jongleries ? je sais que Chaucer, l’écrivain anglais, dit, sur vous autres médecins, que vous n’étudiez guère la Bible. Notre sainte mère l’Église a sommeillé quelque temps, mais maintenant ses yeux sont ouverts pour distinguer ses ennemis de ses amis, et soyez bien assuré… — Mais, mon révérend père, dit Dwining, vous êtes trop sévère envers moi : je voulais dire que je ne pouvais faire des miracles, et j’allais ajouter que, l’Église étant assurément capable d’en opérer, il fallait déposer en vos mains ce riche chapelet, afin qu’il en fût fait usage pour le plus grand bien de l’âme du défunt. »

Il déposa le chapelet dans les mains du dominicain, et s’échappa de cette maison de deuil.

« Voilà une étrange visite, » se dit-il à lui-même quand il fut sorti : « je me moque de toutes ces misères autant qu’homme du monde, mais quoique ce ne soit qu’une imagination ridicule, cependant je m’applaudis d’avoir sauvé la vie à cet enfant criard… Mais il faut que j’aille trouver mon ami Smotherwell, j’en obtiendrai, sans aucun doute, ce que je désire au sujet de Bonthron, et ainsi j’aurai sauvé deux vies, et n’en aurai détruit qu’une.