Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/298

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mais la belle ville est assez riche pour payer sa dette à Henri Wynd ; dette que nous sommes plus en état d’apprécier que Henri lui-même ; aveuglé qu’il est par cette délicatesse inopportune, qu’on appelle modestie… Et si la ville est trop pauvre, le prévôt contribuera pour sa part. Les charges d’or du corsaire n’ont pas encore pris la fuite.

Les verres circulèrent alors sous le nom de consolations à la veuve, et se vidèrent de nouveau à la mémoire du défunt Olivier Proudfute, qui venait d’être si bravement vengé. En un mot la fête fut si joyeuse que tout le monde convint qu’il ne manquait, pour la rendre parfaite, que la présence du bonnetier lui-même, dont le malheur avait occasionné cette réunion, et qui, dans de pareilles fêtes, était ordinairement le point de mire de toutes les plaisanteries. S’il eût pu assister à celle-là, comme le remarqua malicieusement le bailli Craigdallie, il aurait certainement réclamé pour lui l’honneur de la journée, et se serait proclamé lui-même son propre vengeur.

Au son de la cloche des vêpres la compagnie se sépara ; les personnages les plus braves se rendirent à l’office du soir, où, les les yeux à demi fermés, le visage animé, ils firent une très-orthodoxe et très-édifiante figure dans une congrégation maigrie par les abstinences du carême. Les autres s’en retournèrent chez eux raconter tous les détails du combat et du banquet, pour l’instruction de leur famille. Quelques autres enfin se retirèrent dans des tavernes, jouissant d’un privilège pour laisser leurs portes moins rigoureusement fermées que les règlements de l’Église ne le requéraient. Henri s’en revint dans le Wynd, échauffé par le bon vin et les applaudissements de ses concitoyens, et s’endormit pour rêver à sa félicité parfaite et à Catherine.

Nous avons dit que le combat terminé, les spectateurs se divisèrent en deux corps. Pendant que la plus respectable portion des citoyens accompagnait le vainqueur en joyeux cortège, un nombre beaucoup plus considérable, ce qu’on peut appeler la populace, se pressait autour de Bonthron, vaincu et condamné, qui se retirait dans une autre direction et pour un motif fort différent. Quelle que puisse être l’attraction relative d’une maison mortuaire, et d’un festin de noce en d’autres circonstances, lorsqu’il s’agit seulement de jouir du spectacle des douleurs ou des joies d’autrui sans les partager, il n’est pas douteux que les scènes tragiques auront de beaucoup la préférence. En conséquence, le