Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/314

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si je repoussais plus long-temps ses coupables sollicitations ; et quant au pauvre Henri, ce n’est que tout récemment que j’ai découvert, à ma grande surprise, que… que j’ai plus d’amour pour ses vertus que d’éloignement pour ses défauts. Hélas ! je n’ai fait cette découverte que pour quitter le monde avec plus de peine que je ne l’eusse fait quand je n’avais que vous à regretter. »

Elle appuya sa tête sur sa main et se prit à pleurer amèrement.

« Tout cela n’est que folie, dit le gantier. Il n’existe point d’occasion si désespérée qu’un homme sage ne puisse trouver un bon parti s’il a la hardiesse de le prendre. Ce n’a jamais été dans notre pays et sur nous que les prêtres ont pu exercer, au nom de Rome, une autorité sans contrôle. S’ils punissent chaque bourgeois qui dit que les moines aiment l’or, et que la vie de quelques-uns d’entre eux fait honte aux doctrines qu’ils pratiquent, certainement Étienne Smotherwell ne manquera pas de besogne ; et si toutes les jeunes étourdies qui se laissent entraîner par un prédicateur populaire doivent être séparées du monde, il faut agrandir les couvents et y recevoir des religieuses avec de moindres dots. Nos privilèges ont souvent été défendus autrefois contre le pape lui-même par nos bons monarques ; et quand il a voulu s’immiscer dans le gouvernement temporel du royaume, il s’est trouvé un parlement écossais qui lui rappela son devoir dans une épître qui aurait dû être écrite en lettres d’or. Je l’ai vue moi-même, cette épître ; et, quoique je ne pusse la lire, la seule vue du sceau des révérends prélats, des nobles et féaux barons, qui y était suspendu, fit tressaillir mon cœur de joie. Tu n’aurais pas dû me taire ce secret, ma fille ; mais ce n’est pas le moment de t’en faire un reproche. Descends et prépare-moi quelque nourriture. Je vais monter à cheval pour aller trouver notre bon prévôt, et lui demander son avis et sa protection, que j’espère obtenir ainsi que celle de tous les cœurs véritablement écossais, qui ne souffriront point qu’on accable un bon citoyen pour quelques paroles légères. — Hélas ! mon père, dit Catherine, c’est justement cette impétuosité que je redoutais. Je savais bien que, si je vous adressais mes plaintes, vous prendriez feu aussitôt, comme si la religion que nous a donnée le Dieu de paix ne devait être qu’une source de discorde. Je sens que je puis quitter le monde maintenant… oui… À l’heure même, si vous y consentez, pour me retirer parmi les religieuses d’Elcho. Veuillez seulement, mon père, consoler le pauvre Henri quand nous se-