Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/335

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nique que les bêtes sauvages, et s’enfuirent également de leurs pâturages dans les marais et les vallons.

Avertis par ces cris qu’il était temps de se montrer, les moines qui habitaient la petite île commencèrent à sortir par leur porte basse avec la croix et la bannière et toute la pompe ecclésiastique qu’ils pouvaient déployer. Leurs cloches, qui étaient au nombre de trois, firent retentir sur le lac le glas de mort, qui arriva aux oreilles de la multitude silencieuse, mêlé aux chants solennels de l’Église catholique, entonnés par les moines dans leur marche processionnelle. Diverses cérémonies furent accomplies pendant que les parents du mort portèrent le corps sur le rivage, le placèrent sur un banc consacré depuis long-temps à cet usage, et firent le Déasil[1] autour du défunt. Quand le corps fut enlevé pour être porté dans l’église, un autre cri universel fut poussé par la multitude ; les voix fortes des guerriers et les lamentations aiguës des femmes se mêlèrent aux accents tremblants des vieillards et aux cris perçants des enfants. Le coronach se fit entendre de nouveau et pour la dernière fois, lorsque le corps fut transporté dans l’intérieur de l’église, où les plus proches parents du mort et les chefs les plus illustres du clan eurent seuls permission d’entrer. Ce dernier cri de douleur fut si éclatant et répété par tant d’échos, que le bourgeois de Perth porta instinctivement les mains à ses oreilles pour ne pas entendre, ou au moins pour affaiblir un bruit si perçant. Il conserva cette attitude jusqu’à ce que les faucons, les hiboux et d’autres oiseaux effrayés par le bruit, fussent rentrés dans leur retraite ; et quand il retira ses mains, il entendit une voix lui dire :

« Pensez-vous, Simon Glover, que ce soit là l’hymne de pénitence et de louange, au milieu duquel l’homme pécheur, abandonnant sa prison d’argile, doit s’en aller vers son Créateur ? »

Le gantier se retourna, et dans le vieillard à longue barbe blanche qui se tenait près de lui, il reconnut sans peine à son œil doux, et à sa physionomie bienveillante, le père Clément, non plus en habit de moine chartreux, mais enveloppé d’un manteau de drap et la tête couverte d’une toque de montagnard.

On peut se rappeler que le gantier respectait cet homme sans

  1. Cette coutume très-ancienne consiste à tourner trois fois autour du corps d’une personne morte ou vivante en lui souhaitant mille prospérités. Le déasil se fait en suivant le cours du soleil, c’est-à-dire en tournant de droite à gauche. Si l’on veut souhaiter du malheur, on tourne en sens contraire, c’est-à-dire de gauche à droite. w. s.